La fiscalité appliquée aux actifs numériques

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La monnaie virtuelle, telle que les cryptomonnaies, et les autres actifs numériques sont encore abstraits pour vous? Une récente étude canadienne suggère que plus d’une personne sur 10 détiendrait des cryptomonnaies. Même si le minage de cryptoactifs et le paiement en bitcoins vous semblaient anecdotiques il y a quelque temps, force est de constater que les actifs numériques sont là pour de bon.

Découvrez tout ce qu’un ou une CPA a besoin de savoir sur le sujet : historique, fonctionnement et bien sûr, les traitements fiscaux et divulgations de renseignements qui en découlent. 

Historique
Le 3 janvier 2009, le bloc initial1 de la chaîne de blocs (blockchain) du réseau Bitcoin a été généré par une entité anonyme connue sous le nom de Satoshi Nakamoto2. À l’époque, peu de gens auraient cru que l’industrie des actifs numériques connaîtrait une pareille expansion avec plus de 21 000 actifs numériques disponibles sur les marchés aujourd’hui3.
 
C’est grâce à la technologie des contrats intelligents que l’industrie a pu innover en permettant à deux entités d’exécuter une action automatiquement lorsque certaines conditions sont réunies, sans avoir recours à un agent intermédiaire. La finance décentralisée (ci-après « DeFi ») est née de cette innovation. Aujourd’hui, plus de 40 milliards de dollars américains sous forme d’actifs numériques sont déposés sur des protocoles de DeFi. Selon une étude récente publiée par l’Ontario Securities Commission, 13 % des Canadiens détiendraient des cryptomonnaies4. Nous pouvons donc constater, face à l’ampleur et à la présence qu’occupe cette nouvelle technologie, l’importance pour les praticiens de comprendre ce que sont les actifs numériques et leurs implications afin de pouvoir bien conseiller leurs clientèles. 
La validation des transactions et les répercussions fiscales

Consensus de la preuve de travail

Le premier mécanisme de consensus transactionnel utilisé par les chaînes de blocs se nomme la preuve de travail (proof of work). Le réseau Bitcoin repose sur ce mécanisme afin de faire fonctionner son registre numérique décentralisé. De manière rudimentaire, ce mécanisme utilise un réseau de composants informatiques puissants, communément appelés les mineurs, qui compétitionnent afin d’être les premiers à résoudre une équation mathématique. Le gagnant sera en mesure d’inscrire dans le registre, les données des dernières transactions à titre de blocs de transactions. Une fois l’inscription faite et vérifiée par les autres membres du réseau, le mineur gagnant sera récompensé en recevant, d’une part, la récompense du bloc et, d’autre part, les frais transactionnels payés par les utilisateurs. Dans le cas du réseau Bitcoin, le degré de difficulté des équations mathématiques est réévalué à tous les 2 016 blocs (aux deux semaines environ) afin que le temps moyen pour résoudre une équation soit d’environ dix minutes5. De plus, tous les quatre ans, la quantité de bitcoins que reçoit un mineur gagnant est automatiquement réduite de moitié afin de contrôler l’émission des bitcoins6. La récompense actuelle se chiffre à 6,25 bitcoins par bloc7. Au cours de l’année 2024, la récompense sera réduite à 3,125 bitcoins par bloc8.

Répercussions fiscales - Qualification des revenus et dépenses

Les autorités fiscales se sont déjà penchées sur les revenus gagnés par les mineurs d’actifs numériques. En effet, selon une interprétation technique9 publiée par les autorités fédérales en 2018, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a précisé que les contribuables participant aux activités de minage d’actifs numériques sont tenus d’inclure dans leurs revenus les récompenses obtenues du fruit de leurs opérations. Il est aussi précisé dans cette interprétation que le revenu doit être inclus au moment où il est gagné. 

Aux fins de la qualification des revenus gagnés par un mineur, soit à titre de revenu d’entreprise ou de biens, les éléments propres à ce type d’activité doivent être considérés :

  • le temps accordé à la supervision et aux suivis des mineurs; 
  • le recrutement de personnel nécessaire pour maintenir les opérations;
  • l’attention accordée par la ou le contribuable à l’activité;
  • les efforts y étant consacrés;
  • le type de financement utilisé pour faire l’acquisition de l’équipement. 

Revenu gagné par une société

Lorsque cette activité est exercée par une société, la notion d’entreprise de placement déterminée devra être examinée. En fonction de l’analyse faite par les juges Iacobucci et Bastarache dans l’arrêt Stewart10, un degré important de participation à l’activité doit être présent afin de qualifier le revenu comme étant du revenu d’entreprise. La ou le contribuable doit se comporter comme une opératrice ou un opérateur et une ou un gestionnaire actif dans ses opérations pour que le revenu soit qualifié de revenu d’entreprise exploitée activement. À l’inverse, un individu, qui ne ferait qu’installer un mineur et le laisser fonctionner sans y porter une attention particulière, générerait probablement du revenu de biens11.

La qualification du revenu, à titre de revenu d’entreprise ou à titre de revenu de biens, est d’autant plus importante si le revenu est gagné par l’intermédiaire d’une société qui répond à la définition de société privée sous contrôle canadien (SPCC). En effet, si une société répond à la définition de SPCC, le revenu de biens sera assujetti au mécanisme d’intégration de la loi et sera imposé à un taux de 50,17 %. Une portion de 30 2/3 % de cet impôt est toutefois remboursable par l’intermédiaire de la fraction remboursable de l’impôt de la partie I (FRIP)12 et du compte d’impôt en main remboursable au titre de dividendes non déterminés (IMRTDND)13. Si le revenu se qualifie comme revenu d’entreprise, une analyse du plafond des affaires attribuables à la société devra être effectuée afin de déterminer la réduction d’impôt dont la société peut bénéficier. Le taux d’imposition sur le revenu d’entreprise variera entre 20,5 % et 26,5 % selon l’attribution du plafond des affaires.

Dépenses

Le paragraphe 9(1) L.I.R. permet à une ou un contribuable de déduire de son revenu les dépenses s’y rattachant. Dans le cas présent, les dépenses liées aux services publics et la quote-part du loyer rattachée à l’installation utilisée pour miner les actifs numériques pourront être déduites du revenu. Le coût en capital des composants informatique ne pourra pas être déduit en entier au cours de l’année de leur achat puisqu’il s’agit d’une dépense en capital du fait du bénéfice durable que leur utilisation procure aux contribuables14. Le coût d’acquisition des ordinateurs pourra néanmoins être déduit de manière progressive et sera généralement inclus dans la catégorie 50, déductible de manière dégressive à un taux de 55 %. Une attention particulière doit être portée à l’admissibilité des coûts à la passation en charges immédiate afin de déterminer si les contribuables donnés y ont droit. 

CONSENSUS DE LA PREUVE DE PARTICIPATION 

Un second mécanisme de consensus est fréquemment utilisé par les projets qui visent la mise en place d’un registre décentralisé sur lequel des programmeurs peuvent construire d’autres types de projets (« Layer 1 »)15. Ce mécanisme se nomme la preuve de participation (Proof of stake). Le réseau Ethereum, l’actif numérique ayant la seconde plus grosse capitalisation, a récemment changé son mécanisme de validation afin d’utiliser la preuve de participation plutôt que la preuve de travail (comme le bitcoin)16.

Dans ce mécanisme, le registre est validé par les détenteurs de l’actif numérique natif de la chaîne de blocs. Dans le cas d’Ethereum, l’actif natif est l’Ether. Ce même registre est sécurisé par les opérateurs de nœuds informatiques qui constituent les valideurs de la chaîne de blocs. Les valideurs sont payés par le réseau lorsque leur vote concorde avec l’opinion des autres valideurs, lorsqu’ils sont eux-mêmes choisis pour proposer un bloc de transactions et lorsqu’ils participent au comité de synchronisation du réseau. Il est à noter qu’un valideur peut être pénalisé s’il agit de manière néfaste pour le reste du réseau17. Afin de former un valideur, une entité doit détenir une quantité prédéfinie de l’actif numérique du projet et exécuter un ou plusieurs logiciels en continu. Par exemple, pour être valideur de la chaîne de blocs Ethereum, une entité doit déposer 32 Ethers sur le logiciel afin d’avoir la possibilité d’avoir son propre valideur18. Toutefois, même si une entité ne détient pas 32 Ethers, celle-ci peut tout de même obtenir des revenus provenant de la validation des transactions en ayant recours à des intermédiaires qui joindront les fonds de différents investisseurs afin d’obtenir le seuil requis. 

Répercussions fiscales – Moment de reconnaissance du revenu

D’un point de vue fiscal, il serait conforme à notre cadre légal d’inclure ces récompenses au revenu au moment où ceux-ci sont gagnés. Selon l’option retenue afin de participer au consensus, le degré de participation du contribuable peut grandement varier. 

Option 1
Utiliser un fournisseur clé en main afin de gérer l’exécution du logiciel
Ce fournisseur retiendra, généralement, en contrepartie du service de gestion une quote-part des revenus gagnés par le contribuable. Ce faisant, les frais engendrés pour exécuter le logiciel, qui seraient déductibles, sont déjà déduits implicitement dans le rendement redonné aux utilisateurs de ces fournisseurs.
Option 2
Se procurer ses propres installations pour soutenir les demandes du logiciel
Les frais engagés pour acquérir ses installations seront déductibles de manière progressive par l’intermédiaire de la déduction pour amortissement. Les dépenses liées aux services publics et la quote-part du loyer rattachée aux installations devraient être déductibles du revenu. 
Option 3
Louer les installations d’un fournisseur de machines virtuelles
En utilisant cette dernière option, les paiements de location faits pour utiliser ces machines virtuelles devraient être déductibles du revenu19.

 

La relation d’affaires entre le mineur/valideur de transactions et la chaîne de blocs n’est pas régie par contrat légal. Les paiements sont faits de manière automatique par l’intermédiaire des paramètres établis par le code. Ce faisant, même si le revenu pour la période de validation peut être estimé, les récompenses non versées ne devraient pas être incluses au revenu. En effet, selon l’arrêt Maple Leaf Mills20, une somme est à recevoir uniquement si un droit inconditionnel existe pour exiger le paiement d’un montant. Dans la situation des acteurs participant au consensus des chaînes de blocs, le paiement se fait automatiquement lorsque le revenu est effectivement gagné en remplissant les conditions exigées par la chaîne de blocs. Ainsi, le revenu devrait être reconnu uniquement lorsque celui-ci est payé et accessible. 

Les contrats intelligents et les jetons non fongibles (non-fungible tokens ou NFT) 

L’utilité des contrats intelligents

Les contrats intelligents consistent en un code informatique précis inscrit dans une chaîne de blocs et qui permet l’exécution d’un événement lorsque des conditions préétablies sont remplies21. Pour mettre le code en action, des frais sont payés aux valideurs et, une fois la transaction validée, le code est alors inscrit dans la chaîne de blocs. Les protocoles dits « décentralisés » utilisent cette technologie pour permettre à leurs utilisateurs d’effectuer des transactions sans avoir besoin d’un intermédiaire. Par exemple, en déposant une valeur X sur un protocole donné, le dépositaire pourra emprunter un montant Y sans avoir recours à un contrat de prêt. Cette même technologie permet à un utilisateur d’échanger un Ether (ETH) en contrepartie d’un autre actif numérique sans avoir recours à un courtier qui agirait à titre d’intermédiaire pour exécuter la transaction. Les plateformes décentralisées permettent à des utilisateurs d’appliquer le code développé par leur plateforme afin d’effectuer une transaction ou une entente précise sans avoir recours à un agent intermédiaire traditionnel. 

Les échanges décentralisés

L’un des premiers types de projets utilisant les contrats intelligents se nomme « les échanges décentralisés ». Ces projets permettent à leurs utilisateurs d’échanger leurs actifs numériques contre d’autres actifs numériques sans avoir recours à un agent intermédiaire comme les courtiers. Plutôt que d’utiliser les livres de commandes encadrés par des Bourses pour exécuter des transactions, les échanges décentralisés utilisent des fonds de liquidités déposés sur ces plateformes pour exécuter les transactions. Ce faisant, un individu qui voudrait échanger un actif numérique pour un autre achèterait ce dernier au prix actuel affiché par le fonds en question. Par exemple, une ou un contribuable qui désirerait obtenir des ETH avec ses USD Coins (USDC)22 pourrait se tourner vers un échange décentralisé et échanger ses USDC pour des ETH au prix étiqueté à ce moment. Le concept d’ordre d’achat ou de vente à un prix fixe apparaît peu à peu au sein des nouveaux échanges décentralisés. Généralement, l’achat et la vente se font uniquement au prix courant23.
 
L’utilisation des projets d’échanges décentralisés a connu une réelle explosion au cours des deux dernières années. Certains projets ont un volume journalier transactionnel qui peut dépasser le milliard de dollars américains24. En date du 31 octobre 2022, environ 23 milliards de dollars américains étaient déposés sur l’ensemble des échanges décentralisés25.
 
Les fonds de liquidités disponibles sur ces plateformes sont constitués de dépôts provenant d’investisseurs cherchant à obtenir du revenu passif de leurs actifs numériques. Le processus est généralement le même pour tous les échanges décentralisés bien que certaines différences puissent exister. Habituellement, le fournisseur de liquidités déposera une paire d’actifs numériques ayant une valeur égale entre eux dans un fonds de la plateforme et recevra en contrepartie un certificat attestant qu’il détient un certain pourcentage des liquidités du fonds. Ce certificat prendra la forme d’un actif numérique en soi qui, lui aussi, pourra être utilisé à d’autres fins. En fonction de la plateforme choisie, plusieurs paramètres peuvent être définis par le fournisseur de liquidités et diverses stratégies peuvent être mises en place. Lorsqu’un individu décide d’échanger un actif de la paire contre l’autre actif de la paire, les frais de transaction qui se situent généralement entre 0,05 % et 1,00 % seront distribués aux fournisseurs de liquidités. Notons que le certificat en soi représente un pourcentage du fonds et non la quantité précise des actifs numériques déposée initialement. En effet, si le ratio des deux actifs a changé depuis le moment où les liquidités ont été fournies, le fournisseur recevra davantage de l’actif qui a perdu de la valeur par rapport à l’autre. Les frais de transaction réclamés par les fournisseurs de liquidités sont généralement disponibles au moment où ils sont gagnés. Toutefois, certains projets peuvent être utilisés afin de réinvestir automatiquement les frais de transaction gagnés en liquidités supplémentaires26.

Trois événements ayant des répercussions fiscales dans ce processus 

1. La disposition de la paire d’actifs numériques en contrepartie du certificat s’apparente à du troc

Le premier événement générant des conséquences fiscales est la disposition de la paire d’actifs numériques en contrepartie du certificat. En effet, puisque le certificat vient attester d’un pourcentage de détention dans le fonds de liquidités et non d’une quantité précise pour les deux actifs, le certificat reçu est intrinsèquement différent des biens disposés. La détention du certificat permet au dépositaire de recevoir des revenus découlant des frais de transaction. Dans la cause Taylor27, il avait été jugé que des actions ordinaires bloquées et des actions sans restriction d’une même compagnie n’étaient pas des biens identiques, en raison de la différence de valeur entre elles. De plus, selon le IT-387R228, des biens sont identiques lorsqu’ils sont semblables en tous points importants. Or, en analysant les qualités et les éléments inhérents propres aux actifs numériques déposés et au certificat reçu en contrepartie, il est clair que le certificat ne constitue pas un bien identique quant aux biens déposés, en raison de la différence de valeur et de la réalité économique attribuables à chaque bien. Selon le principe qu’il ne s’agit pas des biens identiques, cette transaction s’apparente à du troc. En vertu du IT-49029, les transactions de troc peuvent entraîner un revenu ou une disposition d’un bien en immobilisation. La qualification de la nature de ce revenu doit être faite en fonction des faits propres à chaque situation30. La fréquence à laquelle une ou un contribuable retire et remet des liquidités dans différents fonds, la sophistication de la stratégie employée par l’investisseur et la provenance des fonds investis pourraient constituer des faits pertinents quant à la qualification de cette disposition31.

2. Les revenus provenant des frais de transaction doivent être inclus dans le revenu de biens ou d’entreprise, selon le cas

Le second événement ayant une répercussion fiscale a trait à la réception des revenus provenant des frais de transaction. Ces revenus doivent être inclus dans le revenu de biens ou d’entreprise. La qualification de la nature du revenu à titre de biens ou d’entreprise dépend des faits entourant la situation32. La quantité de fonds de liquidités différents au sein desquels un investisseur participe, la stratégie employée et le temps accordé à la gestion de ses fonds sont tous des critères pertinents à l’analyse33. Dans l’optique où le revenu provenant des frais de transaction est distribué en continu et accessible à tout moment, l’utilisation de la valeur moyenne sur la période où les liquidités ont été fournies semble être une méthode qui présenterait une image fidèle du revenu d’une ou d’un contribuable34.

3. Au moment où le certificat est échangé au fonds de liquidités en contrepartie des actifs numériques, il y a une disposition d’actif

Le troisième événement ayant une répercussion fiscale est le moment où le certificat est échangé au fonds de liquidités en contrepartie des actifs numériques sous-jacents. Cette opération constitue une disposition pour les mêmes motifs que lorsqu’un investisseur fournit les liquidités. La qualification de la nature de la transaction doit être faite en fonction des faits propres à la situation de la ou du contribuable35.

Les jetons non fongibles (non-fungible tokens, ci-après NFT)

Un NFT consiste en un actif numérique qui est unique en raison de ses caractéristiques. Contrairement à un bitcoin, par exemple, où chaque bitcoin est identique à un autre, les NFT sont tous différents. L’utilisation la plus fréquente des NFT que l’on observe présentement a trait aux photos numériques comme les Bored Ape Yacht Club. En date du 1er novembre 2022, le NFT de cette collection, ayant la valeur la plus faible, était affiché à un prix de vente de 69 ETH (soit l’équivalent de 149 283 CAD en date du 31 octobre 2022) sur la plateforme d’achat et de vente de NFT la plus populaire36.
 
Les traitements fiscaux afférents aux transactions liées à ce type d’actifs doivent être analysés en fonction des faits propres à leurs détenteurs. En effet, certaines plateformes de réseaux sociaux permettent à leurs membres d’utiliser un NFT comme photo de profil. Cette utilisation pourrait potentiellement qualifier le NFT en question à titre de « bien à usage personnel » et de « bien meuble déterminé » (ci-après « BMD »), en raison de l’usage et de l’agrément personnel que tire la ou le contribuable du NFT. En effet, selon l’analyse effectuée dans la cause Klotz37, le juge a pris la position que les tableaux dont il était question étaient des BMD, puisque les tableaux sont explicitement énumérés dans la liste des biens qui peuvent potentiellement constituer des BMD. Par ailleurs, au paragraphe 66d) de cette cause, le juge précise que tous les tableaux ne sont pas nécessairement des BMD, et que le critère de l’usage personnel doit tout de même être présent. 
 
L’utilisation des NFT pour des fins de commercialisation et d’augmentation du trafic sur les réseaux sociaux d’une entreprise constituerait des utilisations pour des fins d’entreprise. Le coût d’un NFT ne pourrait toutefois pas être déduit du revenu d’une entité en raison de l’avantage durable que procure un NFT. Les NFT de photos numériques ne pourraient pas non plus être ajoutés à une catégorie d’amortissement si ceux-ci se qualifient d’œuvres d’art en vertu du Règlement, et que leur coût n’est pas inférieur à 200 $. Toutefois, l’exception du Règl. 1102(1)e) devrait être analysée si le créateur du NFT est un Canadien au sens du Règl. 1104(10)a).
 
La qualification de la disposition du NFT, soit à titre de revenu d’entreprise ou de gain en capital, est bien évidemment fonction de l’utilité qu’une ou un contribuable a tirée du NFT disposé. La situation propre à chaque contribuable doit être analysée afin de qualifier la disposition de manière adéquate. 
La conformité fiscale touchant les actifs numériques

Maintien des registres

Lors de la table ronde 2022 de l’International Fiscal Association Conference38, les représentants de l’ARC ont mentionné que les investisseurs détenant des actifs numériques doivent maintenir des registres leur permettant de calculer les impôts qu’ils ont à payer en vertu de la loi. Ces registres peuvent être examinés par des personnes autorisées si celles-ci en font la demande. Il est donc primordial que les individus préservent des copies de leurs registres. Il serait toutefois pertinent de savoir si les adresses des portefeuilles numériques appartenant aux contribuables pourraient constituer des registres adéquats, puisqu’en connaissant l’adresse d’un portefeuille numérique il est généralement possible d’obtenir l’historique complet de toutes les transactions du portefeuille en question à l’aide des explorateurs de chaîne de blocs. 

T1135

Quant à savoir si les actifs numériques doivent être déclarés sur les formulaires T1135 – Bilan de vérification, la question semble être toujours à l’étude par les représentants des autorités fiscales. En effet, la question était restée sans réponse lors de la table ronde 2021 de l’International Fiscal Association Conference39, et aucune précision à ce sujet n’est incluse dans le guide sur les actifs numériques publié par l’ARC et modifié pour la dernière fois le 26 juin 202140. Il sera intéressant de voir si les représentants des autorités fiscales feront la distinction entre les actifs numériques détenus directement par la ou le contribuable dans des portefeuilles numériques contrôlés par ce dernier et ceux gérés par des intermédiaires tels que les échanges centralisés.  

Taxes à la consommation 

Dans son Guide de la monnaie virtuelle41, l’ARC mentionne que la TPS/TVH doit être perçue lorsqu’un actif numérique est utilisé en guise de paiement pour des services ou des biens. La TPS/TVH doit être calculée en fonction de la juste valeur marchande des actifs numériques transférés. 
 
Revenu Québec a énoncé une politique similaire sur sa page web42 portant sur les monnaies virtuelles. Les autorités fiscales québécoises précisent aussi que la fourniture d’actif numérique constitue un effet financier et sera généralement considérée être une fourniture exonérée. 
Toutefois, il est important d’analyser la situation propre à chacun avec une professionnelle spécialisée ou un professionnel spécialisé en taxe à la consommation afin de faire une analyse détaillée des activités d’une entreprise œuvrant dans l’industrie des actifs numériques et leur assujettissement aux taxes à la consommation.

Comment déclarer les gains en capital provenant de la vente d’actifs numériques

Les sociétés doivent déclarer les revenus et pertes découlant de la vente d’actifs numériques de nature capitale à la section 4 « autres biens » de l’annexe 6 de la déclaration de revenus fédérale et de son équivalent provincial. 
 
Sur le plan de l’impôt des particuliers, si les revenus et pertes découlant de la vente d’actifs numériques sont considérés être de nature capitale, ces revenus devront être répertoriés aux lignes 15199 et 15300 de l’annexe 3 de la déclaration de revenus fédérale et à la ligne 11 de l’annexe G de la déclaration provinciale. 

Spécificité québécoise 

Afin de respecter leur devoir d’observation fiscale, les sociétés ayant reçu ou aliéné de la monnaie virtuelle doivent répondre « oui » à la question située à la case 19b) de la CO-17.  
 
Les particuliers se voient poser une question identique à la case 24 de la déclaration de revenus TP-1.

L’industrie des actifs numériques a connu une forte baisse depuis les sommets atteints en 2021. Toutefois, les géants du monde financier commencent petit à petit à s’immiscer dans les différentes sphères de cette jeune industrie43. Bien que cette technologie, où la confiance est accordée à des codes informatiques, amène un lot de nouveaux types de transactions comportant des réalités économiques innovantes, il reste possible d’analyser et de qualifier les revenus en fragmentant les processus pour tisser des ressemblances avec la jurisprudence applicable.

Simon Domaine, LL.M. Fisc.
Premier conseiller en fiscalité
PwC

Avec la précieuse collaboration de 

Jean-François Thuot, FCPA, M. Fisc.
Associé, Fiscalité
PwC
Membre du groupe de travail technique sur la fiscalité et les taxes à la consommation de l'Ordre des CPA du Québec

Sources

1 Bitcoin, Blockchain.com, « en ligne », https://www.blockchain.com/explorer/assets/btc (consulté le 10 septembre 2022)
2 Satoshi NAKAMOTO, Bitcoin: A Peer-to-Peer Electronic Cash System, Bitcoin Org, 31 octobre 2008, « en ligne », Https://bitcoin.org/bitcoin.pdf (consulté le 8 octobre 2022)
3 Chris JONES, Are there too many cryptocurrencies, Coin Telegraph, 21 septembre 2022, « en ligne », https://cointelegraph.com/news/are-there-too-many-cryptocurrencies (consulté le 10 septembre 2022)
4 OSC survey explores Canadians crypto ownership and knowledge, Ontario Securities Commision, 19 octobre 2022, « en ligne », https://www.osc.ca/en/news-events/news/osc-survey-explores-canadians-crypto-ownership-and-knowledge (consulté le 31 octobre 2022)
5 Blockchain.com « en ligne », https://www.blockchain.com/explorer/charts/difficulty (consulté le 10 septembre 2022)
6 What is a Bitcoin Halving? Coinbase, « en ligne », https://www.coinbase.com/fr/learn/crypto-basics/what-is-a-dex (consulté le 19 octobre 2022)
7 Luke CONWAY, Erika RASURE et Skylar CLARINE, What is Bitcoin Halving? Definition, How it works, Why it matters, Investopedia, 4 octobre 2022, « en ligne », https://www.investopedia.com/bitcoin-halving-4843769 (consulté le 8 octobre 2022)
8 What is a Bitcoin Halving? Coinbase, « en ligne », https://www.coinbase.com/fr/learn/crypto-basics/what-is-a-dex (consulté le 19 octobre 2022)
9 AGENCE DU REVENU DU CANADA, Interprétation Technique 2018-0776661I7, « Bitcoin Mining », 8 août 2019
10 Stewart v. R., 2002 SCC 46
11 Dansereau C. La reine, [2002] 1 C.T.C. 19
12 Le calcul de la FRIP se fait sous le cadre du paragraphe 129(4) L.I.R.
13 Le calcul du compte d’IMRTDND se fait sous le cadre du paragraphe 129(4) L.I.R.
14 Minister of National Revenue v. Dominion Natural Gas Co., [1941] S.C.R. 19
15 What is Layer 1 in Blockchain?, Binance academy, 22 février 2022 et mise à jour le 29 septembre 2022, « en ligne », https://academy.binance.com/en/articles/what-is-layer-1-in-blockchain (consulté le 10 octobre 2022)
16 The Merge Ethreum Upgrade : All You need to know, Binance academy, « en ligne », https://academy.binance.com/en/articles/the-merge-ethereum-upgrade-all-you-need-to-know (consulté le 10 octobre 2022)
17 Proof-of-stake Reward and Penalties, Ethereum Foundation, « en ligne », https://ethereum.org/en/developers/docs/consensus-mechanisms/pos/(consulté le 10 octobre 2022)
18 Earn rewards while securing Ethereum, Ethereum Foundation, « en ligne », https://ethereum.org/en/staking/ (consulté le 10 octobre 2022)
19 Earn rewards while securing Ethereum, Ethereum Foundation, « en ligne », https://ethereum.org/en/staking/ (consulté le 10 octobre 2022)
20 Maple Leaf Mills Limited C. MRN, [1976] C.T.C. 324
21 Stuart D. LEVI et Alex B. Lipton, An Introduction to Smart Contracts and Their Potential and Inherent Limitations, Harvard Law School Forum on Corporate Governance, 26 mai 2018, « en ligne », https://corpgov.law.harvard.edu/2018/05/26/an-introduction-to-smart-contracts-and-their-potential-and-inherent-limitations/
22 Les USD Coins sont des actifs numériques dits stables. Ceux-ci sont émis par des entités centralisées, comme l’entité Circle dans le cas du USDC. Chaque actif numérique stable est censé être supporté par un dollar américain en espèces ou en quasi-espèces détenus par l’entité émettrice. Voir What is a stablecoin?, Coinbase, « en ligne », https://www.coinbase.com/learn/crypto-basics/what-is-a-stablecoin (consulté le 8 décembre 2022)
23 What is a DEX?, Coinbase, « en ligne », https://www.coinbase.com/fr/learn/crypto-basics/what-is-a-dex (consulté le 19 octobre 2022)
24 Protocol categories, « en ligne », https://defillama.com/categories (consulté le 31 octobre 2022)
25 IBID.
26 What are liquidity pools in DeFi and How do they Work?, Binance Academy, 13 décembre 2020 et mis à jour le 29 septembre 2022, « en ligne », https://academy.binance.com/en/articles/what-are-liquidity-pools-in-defi (consulté le 31 octobre 2022)
27 Taylor v. Minister of National Revenue, [1988] 2 C.T.C. 2227
28 AGENCE DU REVENU DU CANADA, Bulletin d’interprétation IT-387R2 (archivé), « Sens de l’expression « biens identiques » », 14 juillet 1989 et mis à jour le 12 septembre 2002
29 AGENCE DU REVENU DU CANADA, Bulletin d’interprétation IT-490 (archivé), « Troc », 5 juillet 1982
30 Minister of National Revenue v. McIntosh, [1958] C.T.C. 18
31 AGENCE DU REVENU DU CANADA, Bulletin d’interprétation IT-479R (archivé), « Transactions de valeurs mobilières », 29 février 1984
32 Minister of National Revenue v. McIntosh, [1958] C.T.C. 18
33 Dansereau v. R, 2001 CAF 305
34 Canderel Ltd. v. R., [1998] 2 C.T.C. 35
35 Minister of National Revenue v. McIntosh, [1958] C.T.C. 18
36 https://opensea.io/collection/boredapeyachtclub
37 Klotz v. R., [2004] 2 C.T.C. 2892
38 AGENCE DU REVENU DU CANADA, CRA Views, Conference, 2022-0926451C6 -- IFA 2022—Q7—Cryptocurrency reporting
39 AGENCE DU REVENU DU CANADA, CRA Views, Conference, 2021-0896021C6 -- APFF Q.11—T1135 and situs of cryptocurrencies
40 AGENCE DU REVENU DU CANADA, Guide la monnaie virtuelle pour les utilisateurs de cryptomonnaie et les professionnels de l’impôt.
41 AGENCE DU REVENU DU CANADA, Guide la monnaie virtuelle pour les utilisateurs de cryptomonnaie et les professionnels de l’impôt.
42 REVENU QUÉBEC, monnaie virtuelle « en ligne », https://www.revenuquebec.ca/fr/une-mission-des-actions/vous-aider-a-vous-conformer/quest-ce-que-leconomie-numerique/monnaie-virtuelle/ (consulté le 28 février 2023)
43 François REMY, Les banques s’imposent en intermédiaire de confiance pour le bitcoin, Les Affaires, 1er novembre 2022, « en ligne », https://www.lesaffaires.com/techno/internet/les-banques-simposent-en-intermediaire-de-confiance-pour-le-bitcoin/636918 (consulté le 1er novembre 2022)

 

 

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