Réforme Morneau sur le fractionnement du revenu : s’y retrouver une bonne fois pour toutes

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Alors que tirait à sa fin la dernière année où le fractionnement était encore possible, nous étions nombreux à attendre les précisions concernant ce volet des mesures annoncées le 18 juillet 2017 par le ministre des Finances du Canada Bill Morneau. En effet, le gouvernement fédéral avait annoncé son intention de mettre fin aux stratagèmes fiscaux consistant à utiliser une société privée pour réduire le montant global payé en impôt sur le revenu à l’intérieur d’une famille, sans que tous les membres à qui profite ce stratagème aient fait un apport justifiant cette rémunération.

Il faut noter que certaines mesures de cette réforme annoncée en pleine période estivale, il y a près d’un an, ne sont plus d’actualité depuis la fin octobre 2017, période au cours de laquelle le gouvernement fédéral a fait un pas en arrière en raison des quelque 29 000 réponses reçues dans le cadre de la consultation sur la planification fiscale. Les mesures sur le fractionnement du revenu ont quant à elles été précisées dans l’annonce du 13 décembre dernier et sont applicables depuis le 1er janvier 2018.

Souhaitant que les dirigeants et propriétaires d’entreprises privées paient leur juste part d’impôt, le gouvernement fédéral avait comme objectif d’élargir les règles relatives à l’impôt sur le revenu fractionné. Auparavant, cet impôt sur le revenu fractionné s’appliquait lorsqu’un dividende provenant d’une société privée ou un revenu d’une société de personnes ou encore un revenu d’une fiducie tiré d’une société privée était versé ou attribué à un mineur. Lorsque l’impôt sur le revenu fractionné est applicable, le revenu est imposé au taux supérieur des particuliers qui est actuellement de 53,31 % plutôt qu’aux taux progressifs réguliers.

Depuis le 1er janvier 2018, l’impôt sur le revenu fractionné s’applique aussi aux particuliers adultes lorsque le montant reçu d’une société, dont un membre de la famille est un dirigeant ou un actionnaire, n’est pas exclu de la définition du revenu fractionné et n’est pas raisonnable dans les circonstances. Seulement la portion considérée comme déraisonnable serait touchée par l’impôt sur le revenu fractionné.

L’annonce du 13 décembre 2017 prévoit effectivement que l’impôt sur le revenu fractionné ne s’appliquera pas dans les situations suivantes :

Actions exclues pour les contribuables âgés de 25 ans et plus

Les dividendes payés sur des actions détenues par un particulier pourront être exemptés de l’application de l’impôt sur le revenu fractionné si les conditions suivantes sont remplies :

  • Le particulier est âgé de plus de 24 ans;
  • Moins de 90 % du revenu d’entreprise de la société provient de la prestation de services;
  • La société n’est pas une société professionnelle au sens de 248(1);
  • Le particulier détient au moins 10 % des actions en circulation en termes de votes et de valeur;
  • Le revenu de la société n’est pas tiré, directement ou indirectement, d’une autre entreprise liée.

Pour l’année d’imposition 2018, le seuil de propriété de 10 % ou plus et de la valeur des actions peut être atteint à la fin de 2018, ce qui laisse place à une planification d’ici là.

Entreprise exclue d’un particulier majeur

Un particulier adulte ne sera pas assujetti à l’impôt sur le revenu fractionné pour un montant reçu si au courant de l’année en cours ou dans les cinq années d’imposition antérieures le particulier a participé activement, de façon régulière, continue et importante aux activités de l’entreprise. Un particulier travaillant en moyenne 20 heures par semaine pendant toute la période de l’année au cours de laquelle l’entreprise est exploitée sera réputé avoir participé activement, de façon régulière, continue et importante.

Contribuable dont le conjoint est âgé de 65 ans et plus

Les règles d’impôt sur le revenu fractionné ne s’appliqueront pas au dividende reçu par un contribuable relativement à une entreprise liée si son conjoint est âgé de 65 ans et plus et qu’il est considéré avoir apporté une contribution importante à l’entreprise dans l’année ou dans les années antérieures. Cette exemption continuera à s’appliquer après le décès du conjoint.

Il faudra donc se demander en premier lieu si ces allègements s’appliquent au montant versé. Si ce n’est pas le cas, il faudra valider si le montant versé constitue un rendement exonéré ou raisonnable. Si la réponse est positive, l’impôt sur le revenu fractionné ne s’appliquera pas.

À cet effet, il y a introduction de la définition de « rendement exonéré » qui touche seulement les particuliers de 18 à 24 ans. Le rendement exonéré d’un particulier visé pour une année d’imposition s’entend d’un rendement, ne dépassant pas un taux prescrit (le plus élevé dans l’année en cause), sur la juste valeur marchande des biens contribués par le celui-ci à l’appui d’une entreprise liée.

Pour la deuxième notion de « rendement raisonnable », elle est quant à elle utilisée pour les particuliers qui ne se qualifient à aucune autre situation d’exclusion. Les montants alors versés seront assujettis à l’impôt sur le revenu fractionné à l’égard de tout montant reçu d’une entreprise liée qui ne respecte pas la définition du « rendement raisonnable ». Pour les particuliers âgés de 25 ans et plus, il faudra se questionner s’il est possible qu’une personne sans lien de dépendance avec celui qui reçoit le revenu accepte de verser le montant convenu en considérant l’apport de main-d’œuvre, l’apport en capitaux, les risques assumés et les rendements et rémunérations antérieures ou tout autre facteur pertinent. Si tel est le cas, le montant sera considéré comme un rendement raisonnable.

Dans le cas des particuliers âgés de 18 à 24 ans, le critère du rendement raisonnable sera plus sévère que pour les adultes de 25 ans et plus, puisque l’érosion des recettes fiscales semble être particulièrement élevée dans les revenus qui sont attribués à ces jeunes adultes, souvent sans aucun revenu, qui sont encore aux études. L’apport en main-d’œuvre ne sera pas considéré pour eux. Seulement l’apport d’un capital indépendant sera pris en compte. Donc l’impôt sur le revenu fractionné ne s’appliquera pas si le montant versé à ce particulier représente un rendement raisonnable sur ce capital indépendant.

De plus, des modifications additionnelles à l’impôt sur le revenu fractionné sont proposées. Entre autres, le revenu fractionné inclura dorénavant le revenu provenant de certains types de créances et des gains en capital provenant de dispositions postérieures à 2017 de certains biens.

Force est d’admettre que le caractère subjectif du critère de raisonnabilité amènera sûrement son lot d’incertitudes dans la pratique des professionnels qui seront confrontés à ces nouvelles mesures dès l’année 2018.


Réjeanne Lepage, M. Fisc, CPA, CGA
Fiscaliste, MALLETTE S.E.N.C.R.L.
Groupe de travail technique sur la fiscalité et les taxes à la consommation de l’Ordre des CPA du Québec
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