Constatation des produits selon les NCECF : l’importance accrue du jugement professionnel depuis le retrait des abrégés du CPN
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Il est difficile de croire que plus de deux ans se sont écoulés depuis que les entités à capital fermé du Canada ont commencé à appliquer les Normes comptables pour les entreprises à capital fermé (NCECF). Le passage à des normes davantage fondées sur des principes a été généralement bien accueilli, puisque des indications moins prescriptives signifient généralement qu’il y a moins de règles à mémoriser et que davantage de place est laissée à l’exercice du jugement professionnel au moment de déterminer des solutions adaptées à des faits et des circonstances précis. Par ailleurs, cette transition a aussi été marquée par le retrait des abrégés des délibérations du Comité sur les problèmes nouveaux (CPN), dont bon nombre traitaient de sujets liés aux produits.
Voici un exemple qui permet de mesurer l’ampleur du changement : dans les anciens principes comptables généralement reconnus (PCGR) qui constituent la Partie V du Manuel de l’ICCA – Comptabilité (Manuel), les indications du chapitre 3400 et des cinq ou six CPN importants traitant de sujets liés aux produits totalisaient plus de 33 000 mots; alors que dans les NCECF les indications sur les produits, toutes rassemblées dans le chapitre 3400, totalisent moins de 3 000 mots — ce qui correspond à une réduction de plus de 90 %!
Quelle est l’incidence d’un tel changement? Une chose est certaine : comme il y a beaucoup moins d’indications, le jugement professionnel jouera un rôle encore plus crucial dans l’établissement d’une nouvelle méthode ou un changement de méthode comptable conformément au paragraphe 1506.06 des NCECF. Bien que les principes fondamentaux demeurent inchangés, il est à tout le moins concevable que les NCECF permettent des méthodes qui ne seraient pas acceptables selon les indications plus détaillées de la Partie V, des Normes internationales d’information financière (IFRS) ou des PCGR américains. Cela dit, quelques éléments importants doivent être gardés à l’esprit concernant la constatation des produits selon les NCECF.
Oubliez les listes de contrôle
L’application du chapitre 3400 des NCECF ne repose sur aucune liste de contrôle. Si le paragraphe 8 fournit des exemples d’éléments que l'entité peut prendre en considération pour déterminer s'il y a des preuves convaincantes de l'existence d'un accord, il y est toutefois précisé qu’« un accord peut présenter d'autres caractéristiques » et que « l'exercice du jugement est nécessaire ». De même, le paragraphe 9 énonce certains des aspects d’un accord dont l'entité peut tenir compte pour déterminer si la livraison a eu lieu, mais ne précise pas comment ces aspects devraient être évalués, ni quels autres aspects pourraient devoir être considérés.
De plus, le paragraphe 11 indique que « dans certaines circonstances, il est nécessaire d'appliquer les critères de constatation aux éléments isolables d'une même opération afin de refléter la substance de cette opération ». Donc, en plus d’avoir à déterminer les « circonstances » en question, l’entité doit évaluer quels éléments de l’accord pourraient constituer des éléments isolables, déterminer la substance de chaque opération et déterminer le traitement le plus logique parmi ceux possibles.
Il y a bien d’autres aspects de la constatation des produits dans lesquels le jugement professionnel joue un rôle crucial, notamment lorsqu’il s’agit de déterminer si les risques et les avantages importants inhérents à la propriété ont été transférés, d’évaluer si la mesure de la contrepartie est raisonnablement sûre, ou de définir les « actes importants ». Le chapitre 3400 fournit peu de détails sur la façon dont ces questions devraient être traitées, puisque cela dépend des circonstances propres à chaque opération.
Exercez votre jugement professionnel
Supposons que vous êtes aux prises avec un épineux problème de constatation des produits. Un client vous a dit vouloir acheter 50 unités d’un produit, mais ne veut pas en obtenir la livraison immédiatement. Il est prêt à payer le montant intégral au moment de la commande et votre entreprise garde presque en tout temps au moins 100 unités de ce produit fini en stocks. Selon le chapitre 3400 des NCECF, on ne considère généralement pas que la livraison a eu lieu « avant que le bien ait été livré à l’établissement du client ou à un autre endroit indiqué par celui-ci ». Or, le paragraphe 9 indique qu’on doit aussi considérer, entre autres aspects, les « ventes à livrer » pour déterminer si la livraison a eu lieu. Les NCECF ne fournissent pas d’indications détaillées pour vous aider à évaluer s’il est approprié de constater des produits dans cette situation, alors vous devez vous en remettre uniquement à votre compréhension de la substance de l’accord et à votre jugement professionnel pour évaluer si les critères fondamentaux de constatation des produits sont remplis.
Lorsque des indications additionnelles sont nécessaires pour l’application du chapitre 3400 dans des circonstances particulières, il faut se référer à d’autres sources pour choisir les méthodes comptables à adopter et les informations à fournir qui sont cohérentes avec les sources premières des PCGR, comme il est expliqué au paragraphe 1100.06 des NCECF. Par exemple, les IFRS énoncent plusieurs critères précis devant être remplis pour que les produits des ventes à livrer puissent être constatés. Les critères énoncés dans les PCGR américains sont encore plus détaillés et comprennent notamment des critères théoriques importants (mais toujours pas de liste de contrôle!), dont certains diffèrent légèrement des critères énoncés dans les IFRS. Mais l’entité qui présente son information selon les NCECF est-elle tenue de se conformer à l’une ou l’autre de ces autres sources de PCGR? En un mot, la réponse est « non ».
Dans l’exercice de son jugement professionnel, le praticien prudent peut prendre en considération les indications des IFRS et des PCGR américains sur les ventes à livrer, mais il n’est pas tenu de s’y conformer, comme le spécifie le paragraphe 1100.20 des NCECF : « pour se mettre en conformité avec les Normes comptables pour les entreprises à capital fermé, il n'est pas nécessaire de se conformer à la Partie I du Manuel ou aux prises de position publiées par d'autres organismes ».
Considérez à la fois vos besoins actuels et vos besoins futurs
L’entité peut être une entreprise à capital fermé aujourd’hui, mais en sera-t-il toujours ainsi? Envisagez-vous de procéder à un premier appel public à l’épargne (PAPE) au Canada? Si oui, vous auriez tout intérêt, dans la mesure du possible, à choisir des méthodes et à fournir des informations qui répondent à la fois aux exigences des NCECF et à celles des IFRS. Par ailleurs, si vous envisagez de vous inscrire à la Securities and Exchange Commission (SEC) d’ici deux ou trois ans, il serait judicieux de faire des choix qui répondent aux exigences des NCECF et aussi, dans la mesure du possible, à celles plus strictes de la SEC. Je peux imaginer la frustration des nombreux chefs de la direction et conseils d’administration qui, après avoir lancé un PAPE à un moment stratégique, se rendent compte qu’ils doivent contrepasser une partie importante de leur chiffre d’affaires historique pour se conformer aux exigences comptables des IFRS ou des PCGR américains s’appliquant aux ventes à livrer! Bref, le fait de prendre vos besoins futurs en considération dès maintenant peut vous épargner un stress et des efforts considérables dans l’avenir.
Tirez parti de vos relations professionnelles
Les entreprises à capital fermé ne font pas toutes affaire avec un cabinet d’audit, mais celles qui le font peuvent obtenir de ce dernier une rétroaction utile, surtout si elles font régulièrement appel à son expertise.
Je me rappelle d’un cas où une société croyait que toutes les conditions nécessaires à la constatation des produits selon les NCECF avaient été remplies. Elle considérait que ses obligations restantes étaient sans importance, un point de vue que n’a toutefois pas partagé l’auditeur. Telle est la nature du jugement professionnel : deux professionnels tout aussi compétents l’un que l’autre, possédant une expérience semblable et agissant de bonne foi, peuvent tout de même avoir des opinions divergentes. Évidemment, en définitive, les états financiers appartiennent à l’entité, mais un désaccord prolongé avec l’auditeur peut être gênant, improductif et coûteux. La société aurait dû sonder l’opinion de l’auditeur bien avant pour tirer parti de son expertise.
En résumé
Les CPN n’ayant pas été repris dans les NCECF, ces dernières contiennent beaucoup moins d’indications détaillées sur la constatation des produits que les anciens PCGR contenus dans la Partie V. Le vide ainsi créé laisse beaucoup plus de place à l’exercice du jugement professionnel par les praticiens. Une bonne compréhension des exigences fondamentales du chapitre 3400 des NCECF ainsi que du rôle des autres sources de PCGR et de référence dans la hiérarchie des sources décrite au chapitre 1100 des NCECF, de même que la prise en considération des besoins actuels et futurs et la volonté de tirer parti de la vaste expérience de votre réseau professionnel sont un gage de succès.
Stephen Miller, membre de l’Institut des comptables agrées de la Colombie-Britannique