La gestion Lean, l’amélioration continue et les CPA
Publié le
Avant d’explorer ce qu’est la comptabilité de gestion Lean, prenons le temps de définir ce qu’est la gestion Lean ou le Lean manufacturing et de comprendre la place les CPA dans ce concept.
À la base, la gestion Lean est une méthode organisationnelle dont l’objectif est d’optimiser la performance industrielle ou des services afin de répondre au plus grand nombre d’attentes et d’exigences des clients en ce qui a trait au prix, à la qualité, au délai de livraison ou à tout autre facteur de satisfaction.
La gestion Lean place le client au centre de toutes les démarches. Centrée à l’origine sur la production en usine, elle encadre maintenant autant les processus d’offre de services que la gestion des départements de ventes et d’administration.
Quel est le rôle de la fonction finance quant à la satisfaction du client?
- Pour les CPA qui agissent à titre de consultant ou consultante, ce rôle comprend toutes les activités qui ajoutent une valeur aux services offerts à la clientèle, par exemple la pertinence des informations documentées dans une analyse de rentabilité ou la recommandation d’actions à entreprendre pour améliorer l’environnement de contrôle interne de l’organisation.
- Pour les CPA en entreprise, ce rôle est plus subtil, souvent indirect, mais tout aussi important. En marge de la production industrielle ou de service, certaines activités de la fonction finance d’une organisation ajoutent de la valeur aux produits ou aux services offerts, par exemple une facturation et des soumissions justes, réalisées à temps et communiquées de manière courtoise à la clientèle. Indirectement dans le cadre d’activités d’amélioration continue, les membres de la fonction finance sont amenés à collaborer dans une équipe multidisciplinaire.
Les activités liées à la production des états financiers n’apportent pas de valeur aux produits vendus, mais les utilisateurs et utilisatrices de ces états financiers tels les membres de la direction, les actionnaires et les créanciers, que l’on peut considérer comme la clientèle de la fonction comptable, s’attendent aussi à obtenir une information de qualité, à moindre coût et en temps voulu.
Comment optimiser la performance des produits et services?
Voici les principes à suivre pour y arriver :
- Définir ce qui ajoute de la valeur à vos produits ou services
- Analyser et cartographier les flux et les processus des chaînes de valeur
- Réduire le gaspillage et les coûts superflus
- Mettre en place un système de flux tirés pour les produits et services
- Impliquer l’ensemble des employés et des collaborateurs de l’organisation dans la démarche
- Implanter une culture d’amélioration continue
Définir ce qui ajoute de la valeur à vos produits ou services
La valeur ajoutée est directement liée à la valeur de vos produits et services telle qu’elle est perçue par les clients. Le principe est d’offrir au client ce qu’il s’attend à recevoir et non ce que l’entreprise s’autorise à offrir. Tous les processus doivent être orientés en fonction de répondre à ces attentes.
Voici quelques questions que vous pouvez vous poser :
- La clientèle accorde-t-elle une valeur aux bas prix?
- La valeur est-elle liée à un court délai de livraison?
- La clientèle exige-t-elle un niveau de qualité supérieure?
- Doit-on privilégier un design novateur?
Dans une même industrie, certains segments de clientèle peuvent accorder de la valeur à l’utilisation de composantes d’origine locale, alors que d’autres recherchent uniquement le prix le plus bas, peu importe la provenance des composantes. En définissant ce qui constitue une valeur ajoutée, la direction doit définir les indicateurs à suivre, les communiquer à tous les membre du personnel de l’organisation afin que tout le monde ait en tête les mêmes objectifs et travaille à les atteindre.
Analyser et cartographier les flux et les processus des chaînes de valeur
Le deuxième grand principe est d’identifier les endroits où se produit l’ajout de valeur en cartographiant les processus par chaînes de valeur.
Pour illustrer le concept de chaîne de valeur, voyons l’exemple d’une chaîne de restaurants. Les restaurants eux-mêmes constituent une chaîne de valeur et les produits emballés destinés aux épiceries en sont une autre.
À titre de deuxième exemple, prenons un fabricant de produits de chauffage électrique. Ses produits résidentiels constituent une chaîne de valeur et ses produits industriels en sont une autre.
Dans le cas d’une chaîne de valeur pour la fonction finance, on pourrait par exemple cartographier un processus de fin de mois comptable afin d’identifier les sources de gaspillage et orienter les actions d’améliorations.
La cartographie d’une chaîne de valeur doit inclure toutes les actions et activités liées à cette chaîne afin d’identifier les maillons qui apportent de la valeur aux produits et isoler ceux qui n’en apportent pas. Rappelons ici que ce qui ajoute de la valeur est ce pourquoi le client est prêt à payer.
Réduire le gaspillage et les coûts superflus
Une fois que la chaîne de valeur est cartographiée, l’étape suivante est d’identifier les sources de gaspillages. Il existe sept types de gaspillage :
1. La surproduction
La surproduction est le fait de produire plus de fonctionnalités que ce que la clientèle demande ou de produire avant que la commande ne soit lancée. Le temps passé à produire avant la commande officielle est du temps qui n’est pas consacré aux commandes à livrer. Pour la fonction finance, la surproduction serait plutôt de produire de l’information dont la clientèle n’a pas besoin, qu’elle ne consultera pas.
2. L’inventaire en trop
L’inventaire en trop prend de l’espace, est manipulé et remanipulé, peut devenir désuet et consomme du capital. Produire en trop, c’est réserver la capacité de production pour des produits que la clientèle n’a pas commandés, alors que d’autres produits commandés sont probablement en rupture de stock.
3. L’attente
L’attente est le temps perdu quand du matériel, de l’information, des personnes ou des équipements ne sont pas disponibles pour la production. L’attente provient d’une mauvaise organisation ou d’une mauvaise planification de la production.
Par exemple, dans le cadre d’un processus budgétaire, si l'on doit attendre les prévisions des ventes avant de pouvoir évaluer les coûts de production et que la solution temporaire est de travailler avec des hypothèses, le fait de devoir tout réajuster à la suite de la communication des prévisions officielles cause des pertes de temps.
4. Les déplacements humains
Ce sont tous les déplacements inutiles du personnel. Les pas fait dans l’accomplissement d’une tâche entre des postes de travail ou encore les déplacements entre le poste de travail et le matériel à transformer.
Dans les bureaux, les déplacements inutiles peuvent inclure des activités telle que les déplacements vers une imprimante, la recherche dans des catalogues, la navigation dans des dossiers et sous-dossiers mal organisés dans un réseau informatique ou encore des clics supplémentaires dans une page de prise de commande.
5. Le transport de matériel et/ou de données
Comme pour les déplacements humains, les mouvements inutiles de matériel et de données engendrent des coûts supplémentaires.
6. Les défauts, reprises et corrections
Tous les défauts, reprises et corrections engendrent des coûts supplémentaires. Ce sont, par exemple, des produits non conformes aux attentes du client ou des erreurs de prix dans la facturation ou lors de la saisie de données. Face à ce type de gaspillage, il faut mesurer la performance et viser des réussites du premier coup.
7. Le surtraitement
Le surtraitement consiste à faire plus que ce que le client demande. C’est de produire à un niveau de qualité supérieure à ce que le client est prêt à payer. Des fonctions supplémentaires, du suremballage et l’ajout de fonctionnalités ne créant pas de valeur aux yeux de la clientèle en sont des exemples. Alors que la surproduction consiste à produire à un volume supérieur aux attentes, le surtraitement ajoute plutôt au produit ou au service des facteurs de valeur qui ne correspondent pas aux attentes ou aux besoins de la clientèle.
Mettre en place un système de flux tirés pour les produits et services
Le flux tiré consiste à produire ce que la clientèle veut, au moment où elle le commande. Autrement dit, c’est la commande du client qui entraîne la production. Cette méthode minimise la quantité de produits en cours de production et le temps qui s’écoule entre la production et la réception du paiement du client.
Impliquer l’ensemble des employés et des collaborateurs de l’organisation dans la démarche
Un principe important de la gestion Lean est de travailler en équipes multidisciplinaires qui regroupent du personnel de tous les niveaux et de tous les départements de l’organisation, tels que la production, les ventes, les finances et l’administration. Les clients, les fournisseurs et les autres collaborateurs peuvent également être mis à contribution.
Implanter une culture d’amélioration continue
Afin de réduire le gaspillage, mettre en place un système de flux tirés et orienter toutes les actions en fonction des besoins et des attentes de la clientèle, l’organisation doit passer par une amélioration continue de ses processus en fonction de la méthode PDCA (de l’anglais Plan, Do, Check, Act) du cycle de la roue de Deming, soit :
- Planifier : analyser et comprendre la source des problèmes;
- Déployer : identifier des actions à implanter à l’aide de projets pilotes;
- Contrôler : mesurer les résultats;
- Agir : recommencer le processus d’amélioration continue en fonction des nouveaux résultats.
Plusieurs méthodes peuvent vous aider à mettre en place un processus d’amélioration continue. En voici quelques-unes.
1. Kaizen
C’est une méthode en huit étapes qui permet à une équipe multidisciplinaire d’apporter des améliorations dans un court délai. L’objectif est de demander au personnel d’identifier des sources de valeur superflue (non souhaitée par la clientèle) et les actions correctives à mettre en place. C’est un processus où les CPA et les membres de la fonction finance peuvent jouer un rôle majeur. Dans l’équipe multidisciplinaire, les membres de la fonction finance détiennent les compétences de collecte, d’organisation et d’analyse des données.
Les 8 étapes du Kaizen :
- Établir un mandat clair pour l’équipe multidisciplinaire
- Collecter les données
- Organiser les données
- Comprendre la situation actuelle
- Fixer des objectifs d’amélioration
- Faire un remue-méninge pour trouver des actions correctives possibles
- Simuler la mise en place des actions correctives
- Établir un plan d’action pour améliorer la situation
2. SMED
Le nom de cette méthode, plus souvent utilisée en milieu manufacturier, vient de l’anglais « Single Minute Exchange of Die ». L’objectif est de réduire sous les 10 minutes le temps nécessaire pour faire les changements de montages (les mises en cours de production). Avec la possibilité de faire des changements plus fréquents à moindre coût, la production de petits lots aura moins d’impact sur la capacité totale de production, l’inventaire sera plus bas, la production sera plus flexible, la livraison sera faite à temps et l’entreprise sera donc plus compétitive.
3. 5S
La méthode 5S vise l’amélioration de l’environnement de travail et de l’espace visuel. Les cinq « S » de cette méthode signifient :
- S’organiser : éliminer les choses inutiles;
- Situer : créer l’espace de travail le plus efficient possible;
- Scintiller : garder les outils de travail propres et en bon état;
- Standardiser : normaliser l’exécutions du travail;
- Suivi : contrôler le maintien des quatre premiers « S ».
Cette méthode a été développée pour réduire les pertes de temps liées à la recherche des outils dans un atelier ou un poste de travail. Dans un bureau, cette méthode peut être transposée pour organiser les dossiers et fichiers informatiques.
4. Gemba
Cette méthode est incontournable pour les CPA qui passent énormément de temps à leur poste de travail, devant l’ordinateur. Puisque Gemba signifie « scène de crime » en japonais, le principe est d’aller voir sur place là où les problèmes se déroulent. Il s’agit d’aller voir sur le plancher comment les produits se fabriquent et comment sont offerts les services. C’est également de poser des questions et d’échanger avec les collègues qui s’occupent de ces activités de première ligne. Cet exercice permet d’acquérir une foule de connaissances et une fine compréhension des processus et des opérations, ce qui en retour, permet de prendre de meilleures décisions. La méthode Gemba peut être appliquée en fonction d’un calendrier de visites journalières obligatoires.
5. 5 « pourquoi »
Cette méthode a pour but de résoudre les problèmes à la source. Elle part du principe qu’il ne faut pas s’arrêter à la première cause d’un problème, au premier « parce que ». Elle permet de découvrir la cause profonde d’une situation.
Voici un exemple de questionnement inspiré de cette méthode :
Pourquoi les soumissions sont-elles régulièrement envoyées aux clients en retard?
- Parce que les finances fournissent les montants en retard. Pourquoi?
- Parce que le travail est lourd et qu’il faut présenter des prix selon plusieurs hypothèses. Pourquoi?
- Parce qu’il manque des informations dans la demande transmise par nos vendeurs et que l’échange de courriels est trop long. Pourquoi?
- Parce que le client ne communique pas toute l’information du premier coup dans sa demande. Pourquoi?
- Parce qu’il y a beaucoup de roulement de notre personnel et de nos clients et que, par manque de connaissances de la part du personnel, les informations à transmettre ne sont pas toutes documentées. Pourquoi?
Parce qu’il faut standardiser l’information à fournir à l’aide d’un formulaire de demande de soumissions pour les commandes spéciales qui comprendrait un certain nombre de renseignements obligatoires.
6. Flux continu
Cette méthode consiste à favoriser la production d’un produit à la fois au lieu de produire en lot. Elle peut sembler au premier abord moins efficace que cette dernière avec son potentiel d’économie d’échelle, mais la production d’un seul produit à la fois réduit les inventaires et raccourcit le cycle de production, de la réception de la matière première à l’expédition. Elle permet également de réduire les files d’attente sur la chaîne de production.
7. A3
C’est une méthode qui consiste à identifier et résoudre des problèmes en exposant le contexte et en définissant les causes des problèmes, ainsi que les objectifs à atteindre et les actions à entreprendre dans une seule page de format A3. C’est une méthode utile pour les petits projets d’amélioration continue qui ne nécessitent pas les huit étapes de la méthode Kaizen.
De nombreuses autres méthodes existent pour mettre en place un processus d’amélioration continue, telles que la méthode de maintenance productive totale, Andon, Kanban, Takt time et plus encore. Pour vous aider à réduire le gaspillage, il suffit d’identifier dans cette vaste boîte à outils les méthodes les plus pertinentes en fonction de la réalité de votre organisation et de ses objectifs d’amélioration.
Le CPA et la comptabilité de gestion Lean
La gestion Lean était à l’origine l’affaire des ingénieurs et des gestionnaires de production, son but étant alors d’optimiser les activités de production, de réduire le gaspillage et de livrer ce qui a de la valeur aux yeux du client.
En élargissant cette démarche pour impliquer l’ensemble du personnel et des départements de l’organisation, les compétences distinctives des membres de la fonction finance sont mises à contribution et ce, autant dans le cadre de l’amélioration des processus liés aux produits et services offerts aux clients externes que dans celle de la production de rapports financiers pour les clients internes.
Pour les CPA, lorsque l’entreprise et la fonction finance ont intégré la culture de gestion Lean et l’amélioration continue dans leurs activités, le temps est venu de passer à l’étape suivante, soit la comptabilité de gestion Lean.