L’amélioration de la productivité de la fonction finance par l’intégration efficace des technologies : un impératif pour les entreprises québécoises
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Dans un contexte où les pressions économiques et technologiques s’intensifient, la fonction finance ne peut plus se permettre de limiter ses responsabilités à la conformité et au contrôle. Elle doit également contribuer à sa façon à la productivité et à la croissance des organisations.
Depuis plusieurs années, l’APQC (American Productivity & Quality Center) mène des études sur les priorités de la fonction finance d’organisations à travers le monde. Les deux plus récentes études (2024 et 2025) tirent une même conclusion : l’amélioration de la productivité de la fonction finance des organisations passe impérativement par la numérisation, l’automatisation et l’exploitation intelligente des données.
Que signifient ces études pour nos organisations au Québec?
En 2024, 60 % des organisations ciblées par l’étude de l’APQC mettaient surtout l’accent sur l’amélioration des processus et la gestion de la trésorerie.

Source : APQC 2024 et 2025 Financial Management Priorities and Challenges Report_Cross Industry
En 2024, cette amélioration des processus visait principalement l’intégration de systèmes ERP, la mise en place d’une fonction finance mettant de l’avant une approche de partenariat et l’automatisation des processus (en considérant à la fois les organisations pleinement implantées et celles en cours d’implantation (rolling out)). Pendant ce temps, la mesure de la productivité, la documentation des processus et l’intégration de l’intelligence artificielle étaient reléguées au second plan.

Source : APQC 2024 Financial Management Priorities: Survey Report, page 6
Un an plus tard, en 2025, c’est sans surprise que 73 % des répondants et répondantes ont placé la transformation numérique au sommet de leurs priorités, devant l’analyse des données (50 %) et la gestion de la trésorerie (44 %). L’enjeu n’était plus seulement de mieux réaliser les mêmes activités, mais de redéfinir le rôle de la fonction finance dans un monde en changement où l’accès à des données fiables se fait instantanément et où les décisions doivent se prendre plus rapidement.
Dans cette même étude de 2025, lorsque l’on a demandé aux organisations quels ont été les domaines pour lesquels la fonction finance a profité le plus des efforts de transformation numérique, on constate que ce sont la production de rapports financiers (73 %) et les comptes payables/recevables (64 %) qui ressortent du lot.

Source : APQC 2025 Financial Management Priorities and Challenges Report_Cross Industry, page 6
De plus, lorsqu’on leur a demandé quel a été le bénéfice le plus important de la transformation numérique pour leur fonction finance, les avantages les plus cités étaient la diminution du nombre de processus manuels (72 %), une précision accrue (65 %), une meilleure prise de décision (55 %) et une économie de coûts (54 %).

Source : APQC 2025 Financial Management Priorities and Challenges Report_Cross Industry, page 7
Avec de tels résultats, nul doute que les technologies automatisées de génération de rapports comme Power BI, l’automatisation et la robotisation des processus (RPA) et l’intégration de l’IA y sont pour quelque chose.
Le virage numérique rapporte au Québec
Même si nous n’avons que très peu de données précises sur la fonction finance au Québec, deux grands programmes, l’un canadien (PCAN-Québec) et l’autre québécois (Offensive de transformation numérique (OTN)), ont récemment publié leur bilan (PCAN 2022-2025; ONT 2021-2025) et les résultats parlent d’eux-mêmes.
PCAN-Québec
Propulsé au Québec par la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) et le Réseau des sociétés d’aide au développement des collectivités et des centres d’aide aux entreprises (SADC+CAE), le programme avait pour objectif d’aider les entreprises à prendre le virage numérique afin d’améliorer leur productivité et leur compétitivité. Selon leur sondage, 84 % des répondants et répondantes affirment avoir acquis de nouvelles compétences et développé une expertise en matière de technologies numériques, et 78 % se disent prêts à entreprendre d’autres projets d’implantation d’outils technologiques. Les domaines mentionnés incluent (les répondants et répondantes pouvaient sélectionner plusieurs choix) :
| 71 % | Marketing numérique |
| 61 % | Création de contenu |
| 51 % | Gestion |
| < 50 % | Gestion des données, analyses, communications et formations |
| < 30 % | Sécurité informatique, développement et programmation |
L’intelligence artificielle au menu
Concernant les entreprises participant à ce programme, 36 % ont déclaré avoir déjà intégré l’IA dans leurs activités et 67 % se disaient vouloir explorer le potentiel de l’IA dans le cadre de leurs opérations.
Globalement, parmi les PME ayant participé à ce programme au Québec :
- 61 % ont constaté une hausse de leur chiffre d’affaires et près de la moitié de ces PME ont connu une hausse entre 10 % et 25 %.
- 84 % des dirigeants et dirigeantes affirment avoir acquis de nouvelles compétences technologiques.
- 78 % envisagent de poursuivre leurs efforts en matière de transformation numérique.
Offensive de transformation numérique (OTN) au Québec
En parallèle, le gouvernement du Québec a injecté 218 M$ depuis 2021 dans son Offensive de transformation numérique pour stimuler la productivité des PME. Cette somme a été déployée pour :
- Soutenir la réalisation de 56 projets portés par 52 organismes à travers le Québec.
- Sensibiliser plus de 135 000 entreprises à l'importance d'entreprendre un virage numérique.
- Offrir un accompagnement spécialisé à près de 17 000 entreprises.
Selon le ministre Christopher Skeete, les premières évaluations réalisées sur un échantillon des PME ayant bénéficié de ce programme montrent qu'elles auraient augmenté leur productivité de plus de 15 %.
Quelles leçons devons-nous tirer?
Les deux études de l’APQC permettent d’identifier des leviers d’action qui convergent avec les initiatives de nos gouvernements.
1. Il faut adopter l’automatisation rapidement
Les systèmes ERP étant déjà mis en place, l’intégration de processus automatisés (facturation électronique, traitement des comptes à payer, production de rapports, etc.) permettra à la fonction finance de réduire le temps de traitement de l’information, améliorera la qualité des données et accélérera le partage d’informations pertinentes.
2. Les données sont un levier de performance
Améliorer la structure des données, ainsi que leur qualité et la facilité d’accès à celles-ci, est la clé pour permettre de les utiliser pleinement en temps opportun. Lorsque ces conditions sont réunies, les données peuvent être exploitées à l’aide de systèmes automatisés de visualisation et intégrées dans des tableaux de bord et des rapports qui peuvent être produits et communiqués presque en temps réel.
3. Développer ses talents
Selon l’APQC, le frein principal à la transformation numérique est le manque de main-d’œuvre qualifiée. Près de 60 % des organisations peinent à recruter ou à former du personnel capable d’exploiter les nouveaux outils numériques. Pour les PME, la solution passe par la formation, le partage de connaissances, le co-développement de compétences, la rétention des talents et la collaboration avec des spécialistes et des firmes-conseils.
Quelques recommandations
1. Commencez petit et sans attendre
Identifiez et cartographiez les processus financiers à fort potentiel d’automatisation (facturation, rapprochements, prévisions) et testez des solutions avant d’investir massivement. Rien ne sert d’attendre, car les technologies et les applications évoluent trop rapidement et seront toujours meilleures demain. Vaut mieux sauter dans le train que de le regarder passer.
2. Mesurez votre performance en continu
Pour savoir si l’on s’améliore, il faut disposer de points de repère. Mettez en place des indicateurs de performance simples et suivez leur évolution (délai de fermeture du mois, délais de traitement, taux de qualité des traitements automatisés versus manuels, taux de productivité par membre du personnel, pourcentage de capacité libérée pour des activités à valeur ajoutée, etc.).
3. Adoptez une culture de la donnée forte
Centralisez l’information, assurez-vous de sa qualité, automatisez les rapports et offrez un accès en temps réel à vos tableaux de bord.
4. Formez et responsabilisez vos employés
Intégrez à votre plan de formation des activités de développement professionnel portant sur l’amélioration continue et les technologies numériques. Ensuite, accompagnez vos équipes dans le déploiement de leurs nouvelles compétences. L’action humaine reste au cœur de l’amélioration de la productivité.
5. Profitez des programmes de soutien gouvernementaux
Que ce soit au provincial ou au fédéral, plusieurs programmes sont offerts pour soutenir les PME québécoises. Restez à l’affût de l’annonce de nouveaux programmes et profitez de ceux-ci pour réduire substantiellement vos coûts d’intégration.
La fonction finance et ses processus ont longtemps été vus simplement comme un centre de coûts et un mal nécessaire. Aujourd’hui, avec la centralisation des opérations autour des systèmes ERP et les possibilités de gain de productivité que nous offrent les technologies, le personnel de la fonction finance, avec les bonnes compétences, peut devenir créateur de valeur. Ces personnes permettent ainsi à leur organisation d’avoir accès à une information précieuse et de miser sur les activités qui font croître les ventes et les profits de façon durable.
À propos de l'auteur
André Bélanger, Lean Master, CPA, est président d’Optima Management et consultant en gestion stratégique des coûts et de la performance. Il est également auteur et formateur pour l’Ordre, le Mouvement québécois de la qualité et le ministère des Finances du Québec. Il détient les certifications Lean Master – Bronze et Six Sigma – Ceinture verte, qui témoignent de son expertise en matière d’amélioration de l’efficacité des processus et de la chaîne de valeur. Reconnu en tant que référence par ses pairs, il est chef évaluateur dans le cadre des Prix Performance Québec.