Les coopératives à but non lucratif sont-elles exemptées d’impôt?
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À la lecture du titre de cet article, vous vous êtes sans doute demandé s’il existait une nouvelle forme juridique dont vous ignoriez l’existence. Mais non, c’est la forme juridique de la coopérative qui lui permet de se positionner comme une entreprise à but non lucratif si, notamment, elle interdit la redistribution de ses excédents aux membres. Sur le plan fiscal, les coopératives peuvent effectivement être exemptées d’impôt si elles respectent les critères prévus à la loi, les positions des autorités fiscales et la jurisprudence.
Au Québec, de nombreuses coopératives sont exploitées à des fins non lucratives. Il s’agit en majorité de coopératives de solidarité. On les retrouve principalement dans les secteurs de la santé et des services sociaux, des services marchands de proximité, du partage d’outils, des loisirs, des arts et de la culture.
L’Agence du revenu du Canada considère que l’expression « cercle ou association » de l’alinéa 149(1)l)1 de la LIR est suffisamment large pour inclure une société (personne morale ou compagnie)2. Ainsi, les coopératives qui s’interdisent dans leurs règlements de régie interne de verser des intérêts sur les parts privilégiées et des ristournes à leurs membres, respectent l’article 149 de la LIR et peuvent être considérées comme étant des entreprises à but non lucratif aux fins de l’impôt et à ce titre être exemptées de l’impôt.
Les coopératives à but non lucratif peuvent perdre ce privilège d’être exemptées d’impôt si les surplus accumulés dépassent les ressources dont la coopérative a besoin pour remplir adéquatement ses objectifs et qu’elle a acquis des biens ne servant pas dans le cadre de ses objectifs (par exemple un placement à long terme)3.
De plus, une coopérative à but non lucratif perdra son statut de société exemptée de l’impôt sur le revenu si :
- une partie de ses revenus est versée au propriétaire ou à l’un de ses membres pendant l’exploitation, ou à la suite de la dissolution ou de la fusion de la coopérative;
- une partie de ses revenus est mise à la disposition de ses membres;
- les salaires, les traitements, les rémunérations ou les honoraires payés aux membres ne sont pas raisonnables et ne correspondent pas à ceux qui seraient versés à des personnes non liées;
- les montants versés pour des dépenses engagées au moment de leur participation à des congrès ou rencontres ne sont pas justifiés, c’est-à-dire dans la mesure où la participation à ces congrès ne sert pas les objectifs de la coopérative;
- la coopérative est considérée comme poursuivant un objectif de profit parce qu’elle est incapable d’exercer ses activités sans but lucratif en l’absence de ses activités rentables, par exemple :
- elle réalise intentionnellement un bénéfice dans l’objectif de générer des revenus qui serviront à des projets d’immobilisations, plutôt que simplement accumuler une partie des cotisations des membres4;
- les activités non lucratives sont financées par le revenu de placements provenant d’un don important reçu en argent5.
Également, il vaut mieux faire l’analyse dès la constitution de la coopérative, car le changement de statut subséquent laisse sous-entendre aux autorités fiscales que l’objectif n’était pas à but non lucratif dès le départ. La Coop publicitaire des concessionnaires Chrysler Jeep Dodge du Québec a toutefois gagné sa cause contre l’Agence du Revenu du Québec en 2016. Elle avait omis de déclarer qu’elle était un organisme à but non lucratif pour les années 2007 et 2008 et a revendiqué ce statut après s’être fait refuser un report de pertes pour ces deux années6.
Du côté de la Loi sur les impôts du Québec (LI), l’article 9967 prévoit des dispositions similaires à l’alinéa 149(1)l) de la LIR pour déterminer si la coopérative est exemptée ou non de payer l’impôt sur le revenu du Québec. L’exemption de l’impôt sur le revenu provincial peut également ne pas être reconduite l’année subséquente si les objectifs de la coopérative ont été modifiés ou ses activités n’ont pas été exercées selon les objectifs pour lesquels elle a été créée.
La détermination du statut de coopérative à but non lucratif est une question de faits. Il est donc très important de documenter adéquatement les activités de la coopérative, l’analyse et la conclusion qui lui permet de profiter des exemptions d’impôts. Il est également nécessaire de suivre attentivement l’évolution des activités, des projets et de la position des autorités fiscales à ce sujet pour s’assurer du bon traitement fiscal à appliquer. Même si ces coopératives sont exemptées d’impôt, les déclarations d’impôts devraient en tout temps être produites dans les délais afin de leur éviter de mauvaises surprises (impôt à payer, intérêts et pénalités de retard de production) au cas où les autorités fiscales contesteraient l’admissibilité à l’exemption d’impôt.
À propos des autrices
Charlie Plante, MBA, CPA
Cheffe de pratique en finance, Coopérative de développement régional du Québec
Membre du groupe de travail sur les coopératives de l’Ordre des CPA du Québec
Avec la collaboration de :
Stéphanie Faucher, M. Fisc., CPA
Conseillère principale, Fiscalité, Ordre des CPA du Québec
Membre du groupe de travail technique sur la fiscalité et les taxes à la consommation de l’Ordre des CPA du Québec
Sources
1 L’alinéa 149(1)l) de la LIR indique « Aucun impôt n’est payable […] pour la période où cette personne était : » « […] un cercle ou une association qui, de l’avis du ministre, n’est pas un organisme de bienfaisance au sens du paragraphe 149.1(1) de la LIR et qui est constitué et administré uniquement pour s’assurer du bien-être social, des améliorations locales, s’occuper des loisirs ou fournir des divertissements, ou exercer toute autre activité non lucrative et dont aucun revenu n’est payable à un propriétaire, à un membre ou un actionnaire, ou ne peut par ailleurs servir au profit personnel de ceux-ci, sauf si le propriétaire, le membre ou l’actionnaire était un cercle ou une association dont le but premier et la fonction étaient de promouvoir le sport amateur au Canada ».
2 Interprétation technique de l’ARC 2001-0095285 « Non-resident non-profit organization », 21 novembre 2001.
3 Bulletin d’interprétation IT-496R « Organisations à but non lucratif », 2 août 2001.
4 Interprétation technique de l’ARC 2009-0337311E5 « 149(1)(l) organizations », 5 novembre 2009.
5 Interprétation technique de l’ARC 2010-0366051 E5 « Application of 149(1)(l) of the Act », 11 mai 2010.
6 Coop publicitaire des concessionnaires Chrysler Jeep Dodge du Québec c. Québec (Agence du revenu), 2016 QCCQ 11252 (Cour du Québec).
7 IMP.996-2 Bulletin d’interprétation et des pratiques administratives concernant les lois et règlements