Classement d’une dette à long terme dans le passif à court terme : importance des clauses du contrat d’emprunt
Publié le
Mise à jour : 13 novembre 2019
Il existe un certain questionnement dans la pratique en ce qui concerne le classement ou non d’une dette à long terme dans le passif à court terme lorsqu’une entité applique les normes comptables pour les entreprises à capital fermé (NCECF) de la Partie II du Manuel de CPA Canada – Comptabilité. Le classement dans le passif à court terme est particulièrement fréquent pour les dettes à long terme qui sont exigibles sur demande (malgré le fait qu’elles soient remboursables sur plusieurs années), ainsi que pour les dettes à long terme renégociables au cours du prochain exercice.
Rappelons que le paragraphe .13 du chapitre 1510, Actif et passif à court terme, mentionne clairement que le classement d’une dette dans le passif à court terme ou le passif à long terme repose sur les faits établis en date du bilan, et non sur les attentes relatives à un refinancement futur ou à une renégociation future. Autrement dit, si le créancier est en droit d’exiger le remboursement d’une dette, en date du bilan ou au cours de l’année qui suit la date du bilan, cette dette doit être comptabilisée dans le passif à court terme du bilan de l’entité, et ce, même s’il est évident que le créancier n’a pas l’intention d’en exiger le remboursement à court terme, ou qu’il procédera au renouvellement de l’emprunt au cours du prochain exercice.
Le classement d’une dette à long terme dans le passif à court terme est donc très fréquent dans les situations suivantes :
- La dette à long terme est exigible sur demande : les facilités de crédit des institutions financières comprennent très souvent une disposition contractuelle qui donne le droit à l’institution financière d’exiger, sur demande, le remboursement des prêts à long terme qu’elle accorde1. Autrement dit, l'institution financière se réserve le droit d’exiger, en tout temps, le remboursement des prêts qu’elle consent, même si les remboursements prévus s’échelonnent sur plusieurs années. Bien qu’il s’agisse d’une pratique fréquente de la part des institutions financières, elle est souvent méconnue des praticiens, car les confirmations bancaires n’indiquent pas nécessairement cette information. Les prêts dont les modalités de remboursement ne sont pas spécifiées ("sans modalités de remboursement"), notamment ceux entre apparentés, sont réputés être exigibles sur demande et doivent également être classés à court terme. Il en est de même pour les actions émises qui sont rachetables au gré du porteur.
- La dette à long terme est renouvelable dans l’année qui suit la date du bilan : dans le cadre du renouvellement d’un emprunt à long terme (par exemple, un emprunt hypothécaire amorti sur 20 ans, renouvelable après 5 ans), l’institution financière a généralement le droit, à l’échéance du terme (de 5 ans dans l'exemple), de mettre fin à la facilité de crédit et d’exiger le remboursement du prêt, même s’il est pratiquement certain qu’elle procédera au renouvellement.
- La dette à long terme fait l'objet d'un manquement aux dispositions du contrat d’emprunt en date du bilan : il arrive parfois qu’une clause restrictive d’un emprunt à long terme fasse l'objet d'une violation en date du bilan, donnant ainsi le droit au créancier d’exiger, sur demande, le remboursement du prêt à long terme qu’il a consenti.
Dans les trois situations décrites ci-dessus, la dette à long terme doit être classée en entier dans le passif à court terme du bilan2.
Toutefois, dans l’une ou l’autre de ces situations, l’entité n’aura pas à reclasser une dette à long terme dans le passif à court terme si, entre la date du bilan et la date de mise au point définitive des états financiers, le créancier a renoncé par écrit à son droit d’exiger le remboursement de la dette pour une période supérieure à un an ou si la dette a été refinancée à long terme. Par contre, en ce qui concerne la troisième situation, selon le paragraphe .14 du chapitre 1510, si le créancier a seulement renoncé à son droit d'exiger le remboursement en cas de violation de la clause restrictive à la date du bilan, une deuxième condition doit être respectée afin de ne pas reclasser une dette à long terme dans le passif à court terme. Il doit être improbable que se produise, dans l'année suivant la date du bilan, une violation de la clause restrictive qui donnerait au créancier le droit d'exiger le remboursement à une date d'évaluation future.3
Les praticiens doivent donc être vigilants lorsqu’ils déterminent où classer les dettes dans le bilan des entités, car bon nombre d’entre elles ont des caractéristiques qui exigent qu’elles soient classées en entier dans la portion à court terme du bilan. Selon le bilan annuel des résultats de l'inspection professionnelle 2018-2019, le classement inadéquat de ces trois types de passifs financiers demeure une des lacunes les plus fréquemment constatées.
Paul Beauvais, CPA auditeur, CA
Membre du Groupe de travail technique NCECF - comptabilité financière - partie II
Version originale publiée le 12 novembre 2013
L’équipe de la pratique professionnelle, certification et comptabilité financière
ORDRE DES COMPTABLES PROFESSIONNELS AGRÉÉS DU QUÉBEC
Mise à jour du 13 novembre 2019
1 Plutôt que de contenir des dispositions à cet effet dans le contrat d’emprunt lui-même, certains emprunts remboursables à long terme sont parfois accompagnés d’un billet à ordre, payable à demande, en annexe au contrat, ou séparément du contrat.
2 Le chapitre 1510 fourni un exemple illustratif intéressant pour la présentation d’une dette remboursable sur demande. Cette présentation n'est toutefois pas permise pour les actions rachetables au gré du porteur ou obligatoirement rachetables émises dans une opération de planification fiscale.
3 Les paragraphes .13 et .14 du chapitre 1510 contiennent des dispositions précises à cet effet.