Compte-rendu des discussions du Groupe de travail technique – Normes comptables pour le secteur public et du Groupe de travail sectoriel – Administrations municipales | Adoption tardive d’une nouvelle norme comptable

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Les membres du Groupe de travail sectoriel – Administrations municipales de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec (Ordre), ainsi que les membres du Groupe de travail technique – Normes comptables pour le secteur public de l’Ordre ont récemment discuté de certains enjeux soulevés lors de l’adoption tardive, par une entité du secteur public, d’une nouvelle norme comptable ou d’une modification à une norme existante. Afin de faire bénéficier l’ensemble des membres de leurs réflexions, leurs discussions à l’égard des diverses questions sont résumées ci-dessous. Ce compte-rendu présente des éléments de réflexion et ne traite pas de tous les sujets, de tous leurs aspects, ni des faits et circonstances propres à une entité. Soyez vigilant et référez-vous aux documents d’origine à jour avant de prendre une décision.

Les groupes de travail de l’Ordre ont comme mandat, notamment, de recueillir et de canaliser le point de vue des praticiens exerçant en cabinet et de membres œuvrant dans les affaires, dans les services gouvernementaux et dans l’industrie ainsi que le point de vue d’autres personnes concernées œuvrant dans des domaines d’expertise connexes. 
L’Ordre agit seulement à titre de facilitateur et ce compte-rendu présente les points de vue exprimés parmi les membres ayant participé à ces discussions. Les commentaires formulés par les membres des groupes de travail ne font l’objet d’aucune sanction de l’Ordre. Ils n’engagent pas laresponsabilité de celui-ci.

Voici un aperçu des éléments discutés.

Contexte

Les Normes comptables pour le secteur public du Manuel de comptabilité de CPA Canada pour le secteur public (NCSP) ont notamment comme particularité de permettre, dans certaines circonstances, l’application prospective d’une nouvelle norme comptable ou d’une modification apportée à une norme existante. Les autres référentiels comptables généralement reconnus du Manuel de CPA Canada – Comptabilité ne prévoient généralement pas de telles dispositions transitoires et prévoiront généralement que les nouvelles exigences soient appliquées de manière rétrospective, parfois en intégrant certains allégements à leur application rétrospective complète.

Notons, à titre d’exemple pour illustrer le contexte de cette publication, les dispositions transitoires du chapitre SP 3280, « Obligations liées à la mise hors service d’immobilisations » :

DATE D’ENTRÉE EN VIGUEUR ET DISPOSITIONS TRANSITOIRES

.67 Le présent chapitre s’applique aux exercices ouverts à compter du 1er avril 2022. Son adoption anticipée est permise.

.68 Le présent chapitre peut être appliqué de l’une ou l’autre des façons suivantes :

a) Application rétroactive, conformément au chapitre SP 2120, MODIFICATIONS COMPTABLES;
b) Application rétroactive modifiée, conformément aux dispositions transitoires décrites aux paragraphes .69 à .71 du chapitre SP 3280;
c) Application prospective, conformément aux dispositions transitoires décrites aux paragraphes .72 et .73 du chapitre SP 3280.

Les membres ont discuté d’une situation où l’entité n’a pas adopté les nouvelles exigences à compter de leur date d’application initiale (c’est-à-dire pour, pour une entité dont la fin d’exercice est le 31 décembre, dans ses états financiers de l’exercice terminé le 31 décembre 2023 dans l’exemple ci-dessus) et que ces nouvelles exigences sont adoptées uniquement au cours d’un exercice postérieur (par exemple pour son exercice se terminant le 31 décembre 2025). Plus spécifiquement les membres se sont questionnés sur les exigences applicables à une telle circonstance d’application tardive.
Dans de telles circonstances, il est présumé que la dérogation aux référentiel comptable (lié à la non-application des nouvelles exigences) était connue de la direction de l’entité et que l’auditeur indépendant aura exprimé une opinion avec réserve sur les états financiers faisant état de cette dérogation pour les exercices terminés les 31 décembre 2023 et 2024.

Correction d’erreur ou modification comptable?

Le chapitre SP 2120, « Modifications comptables » établit des normes relatives à la comptabilisation des modifications de méthodes comptables, des révisions d’estimations comptables et des corrections d’erreur.

La situation visée ne correspond pas à une révision d’estimation comptable, il convient néanmoins de déterminer si la situation analysée est visée par le champ d’application du chapitre SP 2120 applicables à la comptabilisation de modifications de méthodes comptables et à la correction d’erreurs.

Modification de méthode comptable
Correction d’erreur

Le chapitre SP 2120 indique certaines circonstances où une telle modification peut survenir, notamment :

  • Pour se conformer à de nouvelles normes comptables du secteur public ou pour appliquer la première fois des normes comptables du secteur public;
  • Lorsqu’il existe une possibilité de choix entre plusieurs principes admissibles ou plusieurs méthodes comptables adéquates de les appliquer, et qu’une entité choisit de modifié la méthode appliquée antérieurement parce qu’elle estime que cette modification aboutira à une meilleure présentation des événements et des opérations dans ses états financiers.

Le chapitre prévoit certaines circonstances où une erreur non intentionnelle peut survenir. Notamment, elle peut avoir résulté :

  • D’un calcul erroné;
  • Du fait que l’entité avait mal interprété ou mal présenté certains renseignements;
  • Du fait que l’entité avait omis de prendre en considération des renseignements dont elle disposait ou dont elle aurait dû tenir compte lors de l’établissement de ses états financiers;
  • Du détournement de biens.
 
Les membres ont conclu que, dans le contexte énoncé, les états financiers de l’entité aux 31 décembre 2023 et 2024 comportaient une erreur résultant du fait que l’entité ne s’était pas conformé à une nouvelle norme comptable pour le secteur public. En ce sens, pour adapter la situation énoncée à la terminologie utilisée au paragraphe SP 2120.29, l’entité avait « mal présenté certains renseignements ».
 
Le chapitre SP 2120 introduit toutefois une exception à la définition d’une erreur, dans les circonstances énoncées dans ce paragraphe :
 
.31 Un point porté à l'attention d'un gouvernement par son vérificateur pendant un exercice et qui n'est pas corrigé par le gouvernement avant un exercice ultérieur ne constitue pas une erreur aux fins du présent chapitre; le point est pris en compte dans l'exercice au cours duquel la correction est effectuée.
 
Les membres sont toutefois d’avis que ce paragraphe traite d’une situation qui ne s’applique pas au contexte énoncé, puisque l’erreur résultant du fait que l’entité n’avait pas adopté la nouvelle norme comptable à sa date d’application et qui a donné lieu à l’expression d’une opinion modifiée par son auditeur ne constitue pas « un point porté à l’attention [de l’entité] par son [auditeur] », puisqu’il s’agit d’une situation qui était connue de l’entité (ou qui aurait dû l’être). En effet, puisque la date d’entrée en vigueur d’une nouvelle norme comptable du secteur public est une information communiquée de multiples moyens par de multiples intervenants (CPA Canada, les ordres provinciaux, les ministères desquels relèvent ces entités, etc.) et puisque la responsabilité de la préparation des états financiers conformément au référentiel comptable applicable incombe à la direction de l’entité, les membres sont d’avis que cette information est connue (ou devrait l’être) par l’entité, à l’opposition d’une situation donnant lieu à une erreur qui aurait été relevée par l’auditeur indépendant dans le cadre de la réalisation de sa mission d’audit. La décision de ne pas avoir appliqué une nouvelle norme comptable constitue donc un point qui est porté à l’attention de son auditeur par l’entité elle-même (ou qui devrait l’être) et non l’inverse.

Dispositions transitoires de la nouvelle norme comptable vs exigences du chapitre SP 2120

Rappel des faits pertinents à la suite de l’analyse sont les suivants :

  • Au cours de son exercice terminé le 31 décembre 2025, l’entité du secteur public adopte pour la première fois (tardivement) les exigences d’une nouvelle norme comptable;
  • La date d’application initiale (énoncée dans les dispositions transitoires de la nouvelle norme comptable) était pour les exercices ouverts à compter du 1er avril 2022 (soit pour l’exercice de l’entité terminé le 31 décembre 2023). 

Les exigences suivantes doivent donc être analysées pour déterminer la méthode acceptable de comptabilisation et de présentation des modifications résultant de cette application initiale :

Dispositions transitoires de la nouvelle norme adoptée
Comptabilisation d’une correction d’erreur
Les dispositions transitoires spécifiques de la nouvelle norme adoptée offrent les choix suivants à l’entité qui adopte ces exigences pour la première fois1 :

  • Une application rétroactive;
  • Une application rétroactive modifiée offrant certains allégements par rapport à une application rétroactive « complète », notamment en permettant d’établir les ajustements à comptabiliser en se basant sur l’information disponible et les hypothèses déterminées au début de l’exercice pour lequel la norme est appliquée pour la première fois;
  • Une application prospective.

Le chapitre SP 2120 prévoit les exigences suivantes applicables à la correction d’erreurs :

  • Une erreur qui nuit à la fidélité des états financiers des exercices antérieurs doit être présentée rétroactivement;
  • Les états financiers des exercices antérieurs présentés aux fins de comparaison doivent être redressés, à moins qu’il ne se révèle impossible de le faire.

Les membres se sont donc questionnés sur l’interaction entre ces deux chapitres, notamment pour déterminer quelles exigences avaient préséance :

  • Les dispositions transitoires de la nouvelle norme adoptée ont-elles préséance? Par exemple l’entité peut-elle adopter prospectivement les exigences de la nouvelle norme à compter du 1er janvier 2025 ou peut-elle opter pour une application rétroactive modifiée en utilisant les allégements prévus et se baser sur les informations disponibles et les hypothèses déterminées au 1er janvier 2025?
  • Les exigences du chapitre SP 2120 ont-elles préséance? Par exemple l’entité doit-elle retraiter ses états financiers des périodes antérieures présentées aux fins de comparaison dans la mesure où il ne se révèle pas impossible de le faire? Si l’entité souhaite se prévaloir d’une application rétroactive modifiée, doit-elle donc se baser sur les informations disponibles et les hypothèses déterminer au 1er janvier 2023, soit la date à laquelle la nouvelle norme aurait dû être appliquée pour la première fois?

Les membres étaient d’avis que les exigences du chapitre SP 2120 applicables à la correction d’une erreur avaient préséance, de sorte que les états financiers de l’entité doivent être retraités à moins qu’il ne se révèle impossible de le faire. Les membres étaient aussi d’avis que les états financiers de l’entité au 31 décembre 2025, date à laquelle elle a adopté la première fois (tardivement) la nouvelle norme comptable, doivent présenter les mêmes informations que celles qui auraient été présentées si la nouvelle norme comptable avait été adoptée à sa date d’entrée en vigueur initiale, soit le 1er janvier 2023 dans l’exemple présenté.


1. Les dispositions transitoires énoncées au chapitre SP 3280 ont été utilisées comme exemple aux fins de cette analyse. Selon la situation, les dispositions transitoires de la norme spécifique qui est adoptée pour la première fois devront être prises en considérations et les adaptations nécessaires devront être effectuées.

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