L’évaluation des placements dans une société en commandite

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Afin de poursuivre la discussion sur l’évaluation des placements privés publiée en 2016 dans un bulletin d’experts, ce nouvel article s’intéresse aux placements dans une société en commandite (commandité ou General Partner (GP)). Ce type de placement occupe une part accrue depuis quelques années dans les portefeuilles de régimes de retraite, pour l’obtention de rendements plus élevés que ceux obtenus par les titres traditionnels à revenus fixes. Dans une société en commandite, plusieurs commanditaires (Limited Partners (LP)), dont les régimes de retraite, investissent une part dans un fonds. Les gestionnaires de la société ont des activités d’investissement pour une période à long terme. Les commanditaires s’engagent à fournir un montant de capital souscrit et à partager le rendement de ces activités entre la société et chacun des commanditaires.

Questionnaire de contrôle diligent, contrat et procédure d’évaluation

Avant d’investir dans ces placements, l’obtention d’un questionnaire de contrôle diligent (« due diligence ») avec les réponses du commandité permet de couvrir les aspects opérationnels et de gouvernance ayant une incidence sur l’évaluation des placements. Il faut recommander à l’équipe responsable des investissements d’obtenir au contrat entre le commandité et le commanditaire, qu’un délai raisonnable soit convenu pour l’obtention des évaluations. Au contrat, la section sur l’évaluation devrait spécifier qu’il existe un comité indépendant sur l’évaluation qui se rencontre sur une base régulière. La méthodologie employée pour l’évaluation devrait être écrite clairement pour que l’investisseur et l’auditeur puissent faire des vérifications. Il y a dans la méthodologie une partie quantitative et quantifiable. Une autre partie qui se veut qualitative est basée sur le jugement et peut donner des évaluations bien différentes d’un gestionnaire à l’autre. Par exemple, l’impact de situations imprévisibles, telle la pandémie planétaire, sur l’estimation des valeurs est basé sur des hypothèses pouvant générer des scénarios du plus pessimiste au plus positif dépendamment de la vision du futur du gestionnaire. Les hypothèses utilisées devraient faire l’objet de questions lorsque vient le temps de valider l’évaluation. Étant donné que l’évaluation des placements ne peut se faire chaque jour, il importe de s’assurer qu’un processus rigoureux et régulier soit en place. Les autres éléments qui devraient être clairement expliqués par le commandité dans un document sont les différents types de frais et les pourcentages appliqués selon les montants de capital souscrit. 

Conciliation de l’évaluation et états financiers

Les investisseurs reçoivent du commandité des états de comptes trimestriels (capital account) du fonds avec la valeur totale pour tous les commanditaires. La participation de chaque commanditaire peut également y être inscrite. Aux états financiers audités du commandité, lorsque le montant total des placements du partenariat est regroupé, chaque commanditaire investisseur doit autant que possible vérifier les montants de frais, de revenus et surtout la valeur de sa participation dans le partenariat. Le pourcentage du capital souscrit (commitment) sur le total du capital du partenariat peut être utilisé pour vérifier la part de la juste valeur en fin de période. 

L’exemple ci-après explique une façon de concilier la valeur d’une participation dans un fonds et pour laquelle la totalité du capital souscrit n’a pas été appelée :

  • Capital souscrit du commanditaire dans le partenariat : 15 000 000 $
  • Capital total des commanditaires : 3 000 000 000 $
  • Participation du commanditaire : 0,5 % 

Avoir total des commanditaires à l’état financier du commandité : 1 451 000 000 $   
Valeur marchande du placement du commanditaire : 0,005*1 451 000 000 = 7 255 000 $

Les investisseurs institutionnels, dont les régimes de retraite, qui détiennent ces placements doivent donc bien comprendre le contenu des différents états de comptes disponibles afin de faciliter la comptabilisation des composantes de la juste valeur dans leurs états financiers.

Au tout début de l’investissement, il peut y avoir des sorties de fonds pour des frais et la valeur du placement peut être de 0. Ensuite, les appels de capital génèrent une valeur positive. La valeur du placement diminue au fur et à mesure que les années passent, et ce jusqu’aux distributions finales. 

Frais du commandité pour la gestion des investissements et leur comptabilisation

Différents types de frais peuvent être calculés par le commandité qui représentent la participation de ce dernier dans la plus-value du partenariat. Ces frais peuvent varier selon les normes comptables utilisées (IFRS, LUX GAAP, US GAAP ou NCECF) par le commandité. Ces frais peuvent aussi être vérifiés pour s’assurer qu’ils reflètent les pourcentages qui ont été inscrits au contrat.

En pratique, la comptabilisation des différents éléments qui composent la juste valeur peut varier au niveau des frais. Certains capitalisent les frais tandis que d’autres les passent à la dépense. Les deux approches peuvent se justifier d’une part par le fait que les frais que l’on capitalise ont un impact sur la juste valeur et d’autre part, les frais à la dépense sont pour leur rapprochement avec les revenus qu’ils génèrent.  

Hiérarchisation des placements par niveau d’évaluation de juste valeur (3 niveaux)

Le commandité peut détenir dans son fonds des actifs de différents niveaux d’évaluation de la juste valeur des placements selon la hiérarchisation, soit au niveau 1 (évaluation sur des marchés actifs), au niveau 2 (évaluation sur des données observables) et/ou au niveau 3 (évaluation sur une part importante de données non-observables). Dans ce cas, lorsque le commandité (GP) répartit son placement au niveau 3 et/ou aux niveaux 1 et 2, par simplicité et conservatisme, le commanditaire (LP) comptabilise généralement sa participation au fonds sur une seule ligne aux états financiers au niveau 3.  

Communications et conciliation durant l’année financière

L’investisseur doit vérifier les rapports trimestriels, et dans l’éventualité d’un écart important dans la conciliation de la juste valeur de sa participation, une discussion avec d’autres commanditaires et le commandité doit permettre de le justifier ou de le réduire s’il y a lieu. 

Il est important de faire les vérifications dès les premiers mois de l’investissement afin de détecter les déviances possibles par rapport au contrat et ainsi faciliter la conciliation des mouvements de fonds.   

Conclusion

Que peut-on faire pour éviter des écarts matériels dans l’évaluation des placements dans les états financiers des investisseurs institutionnels avec l’évaluation que l’on retrouvera plus tard dans les rapports audités des fonds après que le commanditaire (LP) ait produit ses états financiers ? Si un suivi s’effectue tout au long de l’année sur les différents rapports et que le processus d’évaluation a été testé selon le ratio du capital souscrit, tel qu’illustré ci-haut, il ne reste que le dernier trimestre de l’année financière à estimer. Il est conseillé de communiquer avec le commandité afin d’obtenir sa prévision sur les gains/pertes réalisés et non-réalisés quelques semaines après la fin d’année pour le dernier trimestre de l’année. Un rapport prévisionnel peut être demandé afin de l’utiliser pour supporter les valeurs inscrites aux états financiers du commanditaire. Il est ainsi possible pour l’investisseur/commanditaire d’éviter d’importants écarts avec le réel lorsqu’il est connu. Les états financiers de l’investisseur doivent présenter une juste valeur vérifiable avec les documents de support fournis par le commandité. 

Toutes ces vérifications demandent du temps, une bonne connaissance des placements et nécessitent une communication régulière entre les équipes qui prennent part aux différentes étapes du processus lié aux placements dans les sociétés en commandite. Au sein des régimes de retraite dont le montant de l’actif permet d’allouer des sommes à ces placements, il peut y avoir des équipes spécialisées pour la gestion et la comptabilité de ces placements, ce qui en facilite le suivi. Néanmoins, pour un bon nombre de régimes de retraite, le suivi comptable de ces placements se fait par une ou deux personnes et s’ajoute à de nombreuses autres tâches. La formation et le réseautage apportent des moyens efficaces pour arriver à une certaine standardisation de la présentation de ces placements. De plus, avec les montants importants alloués à ces placements, les commandités (GP) seront, espérons-le, plus pressés à fournir leurs chiffres plus rapidement.

 

Le groupe de travail sur les régimes de retraite de l’Ordre des CPA du Québec

 
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