La gestion du changement : quelques notions de base

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Bien qu’elle soit largement documentée dans la littérature, la gestion du changement représente un réel défi pour les gestionnaires. En effet, de nombreux articles mettent en lumière des taux d’échec ou de réussite partielle du changement organisationnel relativement élevés. Pourtant, le changement est inhérent à toute organisation. Une organisation qui refuserait de s’adapter aux changements qui s’opèrent autour d’elle et en elle risquerait le déclin, allant même jusqu’à mettre sa survie en péril1.

Les étapes du changement planifié

Une des erreurs fréquentes lorsqu’un changement est planifié est de concentrer son attention sur le changement en soi, en faisant abstraction du fait que le changement s’opère en plusieurs étapes. En réponse à ce constat, Lewin2 propose un modèle fortement répandu et simple à comprendre concernant les étapes à suivre lors d’un changement planifié :

  1. La décristallisation : Il s’agit de l’étape où il faut sensibiliser les personnes concernées à la nécessité d’un changement. Cette étape doit démontrer les raisons pragmatiques du changement, basées sur un diagnostic réalisé au préalable. Il faut porter une attention particulière à la communication de ces raisons, afin de s’assurer qu’elles sont comprises par les personnes touchées, et être à l’écoute des préoccupations soulevées par ces dernières.
  2. Le changement : C’est l’étape où la nouveauté est implantée au sein de l’organisation. Il s’agit d’une étape délicate où les tous acteurs touchés par le changement doivent être impliqués, afin qu’ils soient sensibilisés et qu’ils comprennent les nouvelles façons de faire.
  3. La recristallisation : Cette étape vise à assurer la pérennité d’un changement. Les personnes touchées par le changement doivent alors s’approprier ce dernier. Ces personnes doivent alors recevoir le soutien nécessaire pour effectuer le changement et encourager les nouvelles façons de faire. C’est également à cette étape que les résultats du changement doivent être évalués et, au besoin, qu’il faut apporter les correctifs nécessaires pour que le changement perdure dans le temps3.

La résistance au changement

La compréhension des étapes précédentes est primordiale pour contrer la résistance au changement. Cette dernière serait même inévitable lorsqu’un changement survient4 et peut également se manifester de façon inconsciente5. Quoi qu’il en soit, il est possible de regrouper les principales causes de la résistance au changement ainsi6

  • L’intérêt personnel : les individus peuvent craindre que le changement leur fasse perdre une chose à laquelle ils attribuent de la valeur, comme une certaine valorisation par les tâches ou les responsabilités.
  • La mauvaise compréhension du changement : celle-ci peut se manifester lorsque les raisons sous-tendant le changement ne sont pas bien comprises par les individus, ou encore, lorsque ces derniers ne font pas confiance aux personnes qui souhaitent instaurer un changement.
  • L’intolérance au changement : cette dernière peut s’observer chez certains individus qui s’inquiètent des différentes incertitudes entourant le changement et des nouveautés que ce dernier entraîne.

Ces causes mettent en valeur un dénominateur commun lorsqu’il est question de résistance au changement : l’incertitude. La résistance au changement représente donc en quelque sorte une « quête de sens » face au changement, ce qui révèle non seulement l’importance de bien faire comprendre la pertinence d’un changement, mais également la façon dont celui-ci sera communiqué au sein d’une organisation7.

Les stratégies de gestion du changement

Plusieurs stratégies sont possibles pour gérer un changement et elles dépendront notamment du contexte dans lequel le changement a lieu. Ainsi, la nature du changement et son ampleur influenceront la stratégie à adopter pour le gérer.

La stratégie adoptée pour gérer le changement aura à son tour une influence sur la rapidité avec laquelle les résultats du changement pourront s’observer dans l’organisation et sur le niveau d’adhésion des personnes touchées par le changement à celui-ci.8 Le contexte du changement déterminera ce qui doit être priorisé. Si le changement est urgent, on priorisera une stratégie qui favorise la rapidité de mise en place. Si le temps le permet, on priorisera plutôt une forte adhésion des personnes touchées à ce changement afin d’en favoriser le succès à long terme. Schermerhorn, Chappell et Lambert résument les stratégies de changement en trois possibilités : coercition, persuasion rationnelle et partage du pouvoir9 :

  • La stratégie de coercition implique que les personnes qui souhaitent instaurer le changement utilisent leur pouvoir, de façon directe ou indirecte, afin que le changement soit adopté au sein d’une organisation. Cette stratégie utilise des mécanismes de récompenses et de punitions pour renforcer positivement ou négativement les comportements observés. Elle permet d’obtenir des résultats rapides, mais génère habituellement une faible adhésion à long terme.
  • La stratégie de persuasion rationnelle implique que les individus qui désirent implanter le changement utilisent des arguments logiques et pragmatiques afin que le changement soit adopté par les personnes touchées par ce dernier. L’objectif poursuivi est alors de s’assurer que les personnes touchées comprennent les raisons justifiant le changement. Il est donc primordial d’utiliser des arguments logiques et crédibles. Bien que les résultats soient plus longs à obtenir que la stratégie de coercition, cette stratégie produit généralement une meilleure adhésion.
  • La stratégie de partage du pouvoir (ou normative-rééducative) fait appel à la participation et à l’engagement des employés. Ce sont eux qui, en fonction de leur réalité, travaillent activement à déterminer les changements qui seront apportés. En théorie, cette stratégie suscite la plus forte adhésion au changement, mais elle est la plus longue à mettre en œuvre.

Réussir l’implantation d’un changement

Selon sa définition même, un changement, peu importe son ampleur, bouleverse l’ordre établi dans une organisation. Il est donc important que les individus responsables du changement usent d’un leadership positif. Ils doivent également faire preuve d’agilité et s’adapter au contexte particulier du changement et de l’organisation elle-même.

Les personnes touchées par le changement doivent également bien comprendre les raisons logiques et pragmatiques à l’origine de ce dernier. Pour vaincre leur résistance au changement, la transparence et l’écoute sont primordiales. Pour favoriser l’adhésion à long terme, il faut donc bien définir la problématique à l’origine du changement, agir de façon objective et rationnelle durant tout le processus et être à l’écoute des réactions des membres de l’organisation.

La participation active à la fois des personnes à l’origine du changement et des personnes touchées par ce dernier, la communication transparente entre ces acteurs et la formation de ces derniers sont aussi des activités nécessaires pour bien gérer un changement10. Il est important de comprendre qu’un changement qui échoue aura un impact négatif sur les changements ultérieurs au sein d’une organisation11.

Pourquoi la mise en œuvre d’un changement peut-elle s’avérer un échec?

Johnson et d’autres12 ont relevé quelques-unes des principales raisons qui sont à l’origine d’un échec lors de la mise en œuvre d’un changement :

  • Trop de temps est accordé à des activités de planification du changement, telles que des analyses, des rapports, des réunions et des comités, plutôt qu’à la réalisation du changement en soi.
  • L’objectif à l’origine du changement peut être perdu de vue et être réinterprété au fil des événements qui surviennent durant les étapes du changement.
  • Le changement peut être mal interprété par les personnes touchées et ainsi être mal appliqué au sein de l’organisation.
  • Le changement proposé est déconnecté de la réalité du terrain, discréditant ainsi les personnes à l’origine de ce dernier et rendant difficile l’adhésion des membres de l’organisation. 
  • Les individus peuvent sembler se conformer au changement, mais ne pas y adhérer finalement, créant ainsi une atmosphère de cynisme au sein de l’organisation.
  • Les personnes à l’origine du changement ne tiennent pas compte de la résistance ou des critiques formulées à son sujet.
  • Les individus à l’origine du changement ne respectent pas leurs engagements initiaux ou omettent volontairement de divulguer certains éléments importants lors de la mise en place du changement, ce qui peut entraîner de la résistance et une perte de confiance dans l’organisation.

Le changement est inhérent à toute organisation et peut provenir de sources internes ou externes. Pour qu’un changement soit mis en œuvre efficacement, il est important de bien en comprendre les étapes et le contexte. Le leadership d’un gestionnaire, la communication transparente, la compréhension de la nécessité du changement par les personnes touchées par celui-ci sont, entre autres, des éléments cruciaux permettant de susciter l’adhésion des membres de l’organisation à ce changement.

À propos de l'auteur

Samuel Saint-Yves-Durand, MBA, CPA auditeur, CA, est professeur agrégé et directeur du comité de programmes d’études de cycles supérieurs en sciences comptables à l’Université du Québec à Rimouski. Il donne principalement des cours avancés en comptabilité de gestion, ainsi que des cours de synthèse et d’intégration en comptabilité aux cycles supérieurs. M. Saint-Yves-Durand cumule plusieurs années d’expérience pour l’un des « Quatre Grands » cabinets comptables internationaux. Ses intérêts en matière de recherche touchent entre autres la comptabilité de gestion, le management, l’innovation et l’entrepreneuriat. En outre, il participe activement à différentes activités de coaching pour la relève entrepreneuriale et siège à plusieurs conseils d’administration au sein d’organisations régionales et provinciales. 

Références

  • Balogun, J., V. H. Hailey et E. Viardot (2005). Stratégies du changement, Pearson Education.
  • Bédard, M. G., M. Ebrahimi et A.-L. Saives (2011). Management à l’ère de la société du savoir, Montréal, Chenelière Éducation.
  • Bergeron, P. G. (2006). La gestion dynamique : concepts, méthodes et applications, Montréal, G. Morin Chenelière Éducation.
  • Dubé, L. et C. Bernier (2011). La gestion des technologies de l'information : un guide pratique pour l’expert-comptable, Saint-Laurent, QC, ERPI.
  • Johnson, G., R. Whittington, K. Scholes, D. Angwin, P. Regnér et F. Fréry (2017). Stratégique, Montreuil, Pearson.
  • Lewin, K. (1952). « Group decision and social change », Readings in social psychology, New York : Holt.
  • Schermerhorn, J. R., D. S. Chappell et J. Lambert (2008). Principes de management, Saint-Laurent, Québec, Éditions du Renouveau pédagogique.
  • Weitzel, W. et E. Jonsson (1991). « Reversing the downward spiral: lessons from W.T. Grant and Sears Roebuck », Executive (19389779) 5(3) : 7-22.
  • Williams, C. (2010). MGMT3, South-Western Cengage Learning.

Weitzel, W. et E. Jonsson (1991). « Reversing the downward spiral: lessons from W.T. Grant and Sears Roebuck », Executive (19389779) 5(3) : 7-22.
2 Lewin, K. (1952). « Group decision and social change », Readings in social psychology, New York : Holt.
3 Schermerhorn, J. R., D. S. Chappell et J. Lambert (2008). Principes de management, Saint-Laurent, Québec, Éditions du Renouveau pédagogique, p. 376.
4 Williams, C. (2010). MGMT3, South-Western Cengage Learning, p. 126
5 Bédard, M. G., M. Ebrahimi et A.-L. Saives (2011). Management à l’ère de la société du savoir, Montréal, Chenelière Éducation, p. 304
6 Williams, C. (2010). MGMT3, South-Western Cengage Learning, p. 126
7 
Bédard, M. G., M. Ebrahimi et A.-L. Saives (2011). Management à l’ère de la société du savoir, Montréal, Chenelière Éducation, pp. 302-303
8 
Balogun, J., V. H. Hailey et E. Viardot (2005). Stratégies du changement, Pearson Education.
9 
Schermerhorn, J. R., D. S. Chappell et J. Lambert (2008). Principes de management, Saint-Laurent, Québec, Éditions du Renouveau pédagogique, pp. 376-378
10 
Dubé, L. et C. Bernier (2011). La gestion des technologies de l’information : un guide pratique pour l’expert-comptable, Saint-Laurent, QC, ERPI, pp. 222-224.
11 
Bédard, M. G., M. Ebrahimi et A.-L. Saives (2011). Management à l’ère de la société du savoir, Montréal, Chenelière Éducation, p. 306.
12 
Johnson, G., R. Whittington, K. Scholes, D. Angwin, P. Regnér et F. Fréry (2017). Stratégique, Montreuil, Pearson, pp. 585-586.

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