La levée du secret professionnel – Que faut-il savoir ?
Confidentialité et secret professionnel (art. 39 à 42)
Extraits du code de déontologie concernés
39. Le comptable professionnel agréé est tenu au secret professionnel et il ne peut divulguer les renseignements de nature confidentielle qui viennent à sa connaissance dans l’exercice de sa profession, à moins qu’il n’y soit autorisé par son client ou par une disposition expresse de la loi.
Le comptable professionnel agréé doit également faire preuve de discrétion à l’égard de tout renseignement concernant ses clients, qu’un tel renseignement soit ou non protégé par le secret professionnel.
41. Lorsqu’il communique des renseignements protégés par le secret professionnel conformément à l’article 60.4 du Code des professions (chapitre C 26), le comptable professionnel agréé doit :
1° communiquer uniquement les renseignements nécessaires aux fins poursuivies par la communication;
2° communiquer ces renseignements exclusivement à la personne ou à l’autorité à laquelle il lui est permis de le faire;
3° utiliser un mode de communication permettant d’assurer, compte tenu des circonstances, la confidentialité de la communication;
4° informer la personne à qui il communique ces renseignements que ceux-ci sont protégés par le secret professionnel;
5° consigner le plus tôt possible les informations suivantes :
a) l’objet de la communication, les motifs à son soutien, la date et l’heure à laquelle elle a été faite, le nom de la personne à qui elle a été faite et le mode de communication utilisé;
b) les démarches faites par le comptable professionnel agréé auprès du client avant de faire cette communication ou, le cas échéant, les raisons pour lesquelles il n’a entrepris aucune démarche préalable auprès du client.
Le secret professionnel ne peut être levé que dans des cas spécifiques, soit avec l’autorisation du client, soit parce qu’une loi l’ordonne ou l’autorise clairement.
Dans tous les cas, la levée du secret professionnel est limitée aux renseignements que vous êtes autorisés à divulguer et ne peut se faire qu’avec la personne ou l’organisme pour lequel on vous y autorise.
Vous devez documenter votre dossier en y indiquant les motifs qui vous ont amené à conclure que vous étiez relevé du secret professionnel, les démarches effectuées pour vous en assurer, la date de la communication, le mode de communication utilisé, la personne ou l’autorité à qui vous avez communiqué l’information.
A. L’autorisation du client
Le secret professionnel est un droit qui appartient à votre client. L’autorisation de communiquer certaines informations protégées par le secret professionnel doit donc émaner de lui. Il est donc important de bien identifier qui est votre client :
- Lorsque vous offrez vos services à votre employeur, votre client est votre employeur, peu importe sa forme juridique et quelles que soient vos fonctions.
- Lorsque vous offrez des services à des tiers, soit à une personne autre que votre employeur, votre client peut être une personne physique, une entreprise ou toute autre forme d’organisation.
- Lorsque vous avez plusieurs clients pour un même mandat, par exemple, lorsque vous préparez la planification financière d’un couple pour la retraite, l’autorisation de l’un ne saurait vous libérer de votre obligation envers l’autre. Vous devez obtenir l’autorisation de chacun d’entre eux.
Dans tous les cas, rappelez-vous que lorsque votre client est une personne morale, celui-ci s’exprime par son Conseil d’administration ou son représentant autorisé. Votre client n’est donc pas l’un de vos collègues ni un actionnaire.
Lorsque votre client vous autorise à révéler certaines informations, il est fortement recommandé :
- qu’il vous fournisse une autorisation écrite précisant la nature de ces informations ;
- ou bien que vous lui confirmiez par écrit votre compréhension de l’autorisation donnée.
Voici un exemple
Le conseiller financier d’un client pour qui vous effectuez les déclarations de revenus d’un particulier vous demande de lui fournir des informations financières concernant votre client afin de faire sa planification financière. Vous n’êtes pas surpris de sa demande puisque, lors de votre dernière discussion, votre client vous a mentionné qu’il avait entamé ces démarches auprès de son conseiller. Il n’est en effet jamais trop tôt pour planifier sa retraite. Même si la personne qui vous demande les informations rend un service à votre client, vous devez être certain que ce dernier autorise cette transmission de renseignements et obtenir son autorisation. Vous devez notamment vérifier le nom du conseiller, quelles sont les informations à transmettre, et la façon dont elles doivent l’être.
- la date de l’autorisation ;
- la raison de la levée du secret professionnel ;
- les informations ou documents que vous êtes autorisé à communiquer ;
- le nom de la ou des personnes à qui vous êtes autorisé à communiquer l’information.
B. Levée du secret professionnel prévue par la loi
L’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne prévoit qu’il peut y avoir levée du secret professionnel « par une disposition expresse de la loi ». Ainsi, certaines lois comportent un article qui prévoit explicitement qu’une divulgation peut se faire malgré le secret professionnel. Elles peuvent ordonner ou autoriser la divulgation de renseignements protégés par le secret professionnel dans divers types de situations.
Lois prévoyant la communication forcée de documents
Certaines lois prévoient qu’un professionnel doit communiquer des documents à des personnes en autorité malgré le secret professionnel dans le cadre d’une saisie, d’une perquisition ou de certaines enquêtes.
Si une personne se présente à votre bureau en prétendant être investie de tels pouvoirs, ayez les bons réflexes :
1. Informez cette personne que vous êtes tenu au secret professionnel et demandez un délai pour consulter un avocat
- Les documents visés par l’intervention et l’étendue des droits des personnes qui y procèdent peuvent varier grandement selon les autorités et les lois concernées. Demandez un délai pour consulter un avocat et recevoir les conseils juridiques adaptés à votre situation, notamment quant à l’obligation de répondre ou non aux questions qui vous sont posées.
- Communiquez avec le Fonds d’assurance de la responsabilité professionnelle des CPA1 pour savoir si votre situation est couverte par la Garantie B de la police d’assurance, soit la garantie relative à la prévention des sinistres liés au secret professionnel. Le cas échéant, un avocat vous contactera et vous prêtera assistance.
- En cas de doute sur votre droit de lever le secret professionnel ou si les renseignements sont protégés par le secret professionnel de l’avocat ou du notaire, faites valoir que les documents sont protégés par le secret professionnel et demandez que cela soit consigné au procès-verbal de la saisie. Demandez également de mettre sous scellés les documents afin de donner le temps à votre client de contester la saisie, le cas échéant.
Souvenez-vous que :
- vous avez une obligation de collaborer et de ne pas entraver l’enquête ou la perquisition ;
- vous ne pouvez ni dissimuler ni refuser de communiquer les documents que les personnes en autorité sont en droit d’exiger et qui sont en votre possession.
2. Demandez de voir le document qui autorise les personnes à vous demander des renseignements
- Demandez à l’agent ou l’enquêteur de s’identifier.
- Obtenez une copie du document qui l’autorise à procéder.
- Vérifiez l’identité du client visé et les documents ou renseignements demandés.
- Faites-vous assister de l’avocat de l’assureur ou de tout autre avocat pour vous aider à comprendre la portée de l’autorisation.
3. Communiquez avec votre client pour l’aviser de la saisie ou de la perquisition
- Informez votre client de la situation et des documents qu’on vous demande de communiquer. Si la saisie a lieu au bureau même de votre client dont vous êtes l’employé, vous devriez aviser une personne en autorité dès l’arrivée de l’agent ou de l’enquêteur.
- Votre client pourrait vous autoriser à communiquer les documents visés, auquel cas, vous devriez demander que cette autorisation soit mise par écrit.
- Votre client pourrait entreprendre des procédures pour faire respecter le secret professionnel.
- Si les personnes qui pratiquent la saisie ou la perquisition vous interdisent de communiquer avec votre client, vérifiez auprès d’un avocat si elles ont le droit de le faire.
4. Autres recommandations
- Si vous travaillez au sein d’un cabinet, tentez d’obtenir la présence du CPA responsable du client s’il ne s’agit pas de vous.
- Demandez à quelqu’un de prendre des notes au fur et à mesure de la saisie (documents remis, nom des personnes présentes, heure de début et fin de la saisie).
- Remettez une copie des documents ou une copie électronique, le cas échéant, à moins que la personne qui pratique la saisie ou la perquisition n’exige un original en s’appuyant sur le texte de l’ordonnance ou la loi. Lorsque vous devez remettre l’original, demandez d’en conserver une copie.
Sachez que ce qui précède ne s’applique pas à votre ordre professionnel et aux personnes ou autorités chargées de l’encadrement de la profession. Le Code des professions leur confère en effet le droit de prendre connaissance de tout document et de requérir leur remise sans que vous puissiez invoquer le secret professionnel.
Lois prévoyant une autorisation ou une obligation de lever le secret professionnel en vue de protéger des personnes en situation de danger ou de vulnérabilité
Autorisation
Le Code des professions prévoit que vous pouvez communiquer un renseignement protégé par le secret professionnel en vue de prévenir un acte de violence, dont un suicide, lorsque vous avez un motif raisonnable de croire qu’un risque sérieux de mort ou de blessures graves menace une personne ou un groupe de personnes identifiable et que la nature de la menace inspire un sentiment d’urgence. À noter que le Code des professions définit une « blessure grave » comme comprenant « toute blessure physique ou psychologique qui nuit d’une manière importante à l’intégrité physique, à la santé ou au bien-être d’une personne ou d’un groupe de personnes identifiable ».
Obligation
La Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité prévoit que vous devez signaler certaines situations de maltraitance, malgré le secret professionnel, lorsque la victime se trouve dans l’une des catégories suivantes :
- elle est sous tutelle ou curatelle ou un mandat de protection a été homologué à son égard ;
- elle ne fait pas l’objet d’une tutelle ou d’une curatelle ni d’un mandat de protection homologué, mais son inaptitude à prendre soin d’elle-même ou à administrer ses biens a été constatée par une évaluation médicale ;
- elle est hébergée dans un CHSLD (public ou privé conventionné) ;
- elle est prise en charge par une ressource intermédiaire ou par une ressource de type familial ;
- elle est hébergée dans une résidence privée pour aînés et est une personne en situation de vulnérabilité.
Ce signalement peut être fait aux intervenants désignés des organismes suivants : au curateur public, à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, à un CIUSS, ou CISSSS ou à un commissaire aux plaintes d’un établissement de santé, à l’Autorité des marchés financiers ou à un corps de police, selon le cas. Pour savoir auprès de quel organisme il y a lieu de signaler la situation, contactez la Ligne Aide Maltraitance Adultes Aînés (LAMAA).
Un défaut de signaler une telle situation pourrait vous valoir une amende allant de 2 500 $ à 25 000 $.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site web de l’Ordre : « Maltraitance envers les aînés et les personnes en situation de vulnérabilité : responsabilités des CPA ».
Si vous croyez être en présence d’une situation de maltraitance et désirez avoir des conseils, vous pouvez communiquer avec la LAMAA. Vous pouvez également consulter un avocat ou le syndic de l’Ordre.
Loi concernant la divulgation d’actes répréhensibles
Certaines lois contenant des dispositions permettent de passer outre aux devoirs de confidentialité et, possiblement, de lever le secret professionnel afin de signaler des manquements à certaines lois. Si vous pensez qu’une telle loi pourrait s’appliquer à une situation que vous voudriez dénoncer à l’externe, contactez un avocat, le syndic de l’Ordre ou le fonds d’assurance de l’Ordre avant de vous en prévaloir. De plus, avant de vous prévaloir d’une possible autorisation de lever le secret professionnel pour dénoncer un manquement de votre client, vous devriez d’abord signaler la situation à votre client, lorsque les circonstances s’y prêtent. Il se peut que le manquement que vous constatez ne soit pas connu des dirigeants de l’organisation et qu’une divulgation à l’interne permette de remédier à la situation. À ce sujet, consultez la section sur le « Signalement d’un problème ».
Vous pouvez également consulter la page Web de l’Ordre Divulgation d’actes répréhensibles : ce que vous devez savoir.
C. Autorisation du tribunal dans le cadre d’un litige
Enfin, un juge ou un tribunal peut aussi, dans certains cas, autoriser la levée du secret professionnel. En voici les principaux :
- Dans le cadre d’une plainte disciplinaire faisant suite au dépôt d’une plainte d’un client et à l’enquête du syndic, afin que vous puissiez révéler de l’information confidentielle pour vous défendre.
- Dans le cadre d’un recours en recouvrement d’honoraires ou d’un arbitrage de compte, afin que vous puissiez expliquer les services rendus.
- Dans le cadre d’une poursuite en responsabilité civile, afin de répondre aux allégations de votre client et pour vous en défendre.
Toutefois, ne présumez jamais qu’une situation litigieuse vous permet de lever le secret professionnel sans obtenir l’autorisation du tribunal. Dans tous les cas, demandez l’avis d’un avocat.
Une citation à comparaître devant un tribunal ne constitue pas une autorisation de communiquer des documents ou des renseignements malgré le secret professionnel. Si vous en recevez une, consultez un avocat et prévenez votre assurance responsabilité professionnelle. Lorsque vous vous présenterez à l’audience, le juge vous indiquera si vous pouvez ou non divulguer les informations.