Signalement d’actes répréhensibles : ce que vous devez savoir

Dans l’exercice de votre profession, vous pourriez être témoin de stratagèmes de collusion ou de corruption, ou d’une infraction à une loi ou à un règlement que vous souhaiteriez signaler à une autorité. Au Québec, quelques lois autorisent la levée du secret professionnel dans certaines circonstances pour permettre le signalement d’actes répréhensibles. La plupart de ces lois s’appliquent au secteur public et visent des organismes publics ou des personnes ou entreprises faisant affaire avec ceux-ci. D’autres lois s’appliquent au secteur privé, principalement aux domaines encadrés par l’Autorité des marchés financiers (AMF). Pour en savoir plus sur le contexte légal, consultez la section « L’encadrement légal du signalement ».

Il importe de distinguer ces dispositions de celles permettant à des autorités dotées de pouvoirs d’enquête d’exiger de façon péremptoire que des renseignements ou des documents leur soient fournis. Pour connaître vos obligations dans un tel contexte, compte tenu du secret professionnel, rendez-vous sur la page Le secret professionnel en cas de saisie ou de perquisition.

Les dispositions dont nous traitons ici font référence au signalement volontaire, à une autorité chargée de l’application de la loi, de situations susceptibles de constituer des infractions à des lois ou d’autres types d’actes répréhensibles. Selon la loi applicable, d’autres termes que « signalement » peuvent être utilisés, tels que « divulgation », « dénonciation » ou « communication », mais ils ont essentiellement le même sens.

Lignes directrices sur le signalement volontaire autorisé par une loi

Pour les CPA, le signalement d’un acte répréhensible n’est pas obligatoire et ne devrait pas être automatique. Elles et ils ont à concilier leur devoir moral de signaler des actes répréhensibles et le respect du secret professionnel qui les lie à leur clientèle ou à leur employeur. Toute violation de la confidentialité de leur part porte atteinte au lien de confiance qu’elles et ils doivent entretenir avec leur clientèle et qui est essentiel à la qualité de leur travail. Toutefois, les CPA ont aussi un devoir d’intégrité, et elles et ils ne peuvent être associés à des actes répréhensibles ni à des données fausses ou trompeuses, conformément aux articles 24, 25 et 26 du Code de déontologie des CPA.

Afin de guider votre réflexion sur l’application de ces dispositions législatives autorisant la levée du secret professionnel pour signaler un acte répréhensible, l’Ordre vous suggère de prendre connaissance de ces principes directeurs.

Principe 1 – Agir de bonne foi

Le signalement d’un acte répréhensible doit toujours être motivé par la bonne foi et par des facteurs tels que l’éthique, l’intégrité, la protection d’une personne ou d’un groupe de personnes, le respect des lois et la prévention d’abus. Cette obligation de faire preuve de bonne foi s’applique non seulement aux CPA, mais à toute la population. L’immunité et les mécanismes de protection contre les représailles prévus par les diverses lois qui autorisent le signalement d’actes répréhensibles ne protègent en aucun cas une personne qui fait une dénonciation de mauvaise foi (dans le but de nuire à autrui ou alors qu’elle sait que la dénonciation est sans fondement).

Principe 2 – Signaler d’abord à l’interne

Avant de lever le secret professionnel pour faire un signalement à une autorité externe, les CPA doivent d’abord communiquer l’infraction à l’entreprise cliente. L’article 50 du Code de déontologie prévoit que les CPA doivent signaler à leur client ou cliente (y compris à leur employeur) toute situation problématique dont ils et elles ont connaissance dans l’exercice de leur profession, incluant une infraction à une loi ou à un règlement.

Les CPA doivent accompagner leur client ou cliente et l’aider à se conformer aux normes comptables et aux règles de saine gouvernance. Il se peut que l’infraction ou l’acte répréhensible constaté ne soit pas connu des gestionnaires de l’organisation et qu’un signalement à l’interne permette de remédier à la situation.

Le guide déontologique prévoit la marche à suivre pour signaler une telle situation à un client ou une cliente. 

Principe 3 – Évaluer la gravité d’une infraction et ses conséquences

L’évaluation de la gravité d’une infraction et de ses conséquences doit guider les CPA tout au long du cheminement qui les mènera à effectuer ou non un signalement. Lorsqu’une dénonciation est faite à l’interne et qu’aucune mesure n’est prise par l’entreprise cliente pour prouver sa bonne foi ou son intention de corriger le problème, les CPA doivent s’interroger sur la pertinence de signaler la situation à l’externe.

Le secret professionnel devrait être levé seulement en cas d’infractions présentant un certain niveau de gravité. Une infraction mineure et sans conséquence sur les états financiers ne devrait pas être traitée de la même façon qu’une infraction dont la gravité objective est importante, par exemple une situation de fraude, de collusion ou de corruption. Les CPA doivent notamment évaluer les préjudices que pourrait entraîner le manquement s’il n’était pas signalé à l’autorité compétente.

Dans certaines situations, il peut être acceptable de communiquer à l’externe un renseignement protégé par le secret professionnel avant même d’en informer son client ou sa cliente ou son employeur. C’est le cas :

  • soit lorsqu’il s’agit de prévenir un préjudice important à l’entité, à des investisseurs ou au public en général;
  • soit lorsqu’il est clair que les responsables de la gouvernance ont la connaissance d’une infraction grave ou y participent.

Principe 4 – Obtenir des conseils

Les CPA devraient toujours consulter un avocat ou une avocate avant d’effectuer un signalement. Il importe de savoir si une loi s’applique à la situation en question et, le cas échéant, d’identifier la loi applicable pour savoir à qui le signalement peut être fait et quels renseignements peuvent être communiqués selon la loi.

La Garantie B de la police d’assurance du Fonds d’assurance responsabilité professionnelle de l’Ordre couvre certains services de consultation juridique concernant le secret professionnel. Si la situation est couverte par cette garantie, une avocate ou un avocat assigné par le Fonds d’assurance vous contactera et vous prêtera assistance (sujet aux limites et conditions prévues par votre police d’assurance. Pour plus d’informations, consultez la page Assurance responsabilité professionnelle).

Que vous choisissiez ou non de signaler à l’externe un acte répréhensible, vous courez des risques en termes de responsabilité professionnelle et vous devez en informer le Fonds d’assurance par téléphone, au 514 288-3256, poste 3037 (du lundi au vendredi, de 8 h 30 à 16 h 30), ou par courriel, à l’adresse assuranceresponsabilite@cpaquebec.ca.

Le Bureau du syndic de l’Ordre peut aussi répondre à vos questions sur ce sujet et vous guider dans vos réflexions. Pour communiquer avec le syndic, remplissez une demande de références déontologiques sur le site Web de l’Ordre.

Principe 5 – Documenter et limiter la portée du signalement

Dès qu’ils ou elles découvrent ou soupçonnent, dans le cadre de l’exercice de leur profession, un acte répréhensible, les CPA devraient documenter leurs réflexions et leurs démarches, qu’elles les mènent ou non à le dénoncer. Les informations pertinentes devraient être consignées par écrit afin de leur permettre de prouver le bien-fondé de leur décision.

Les CPA qui décident de faire un signalement à une autorité malgré le secret professionnel devraient noter le plus tôt possible :

  • les démarches effectuées avant de communiquer les renseignements à un tiers ou les raisons pour lesquelles aucune démarche n’a été entreprise;
  • les motifs à l’appui de la décision de communiquer les renseignements à un tiers;
  • le nom du ou de la destinataire de la communication, l’objet de celle-ci, la date et l’heure à laquelle elle a été faite et le mode de communication utilisé.

L’article 41 du Code de déontologie impose aux CPA qui estiment que la loi les autorise à lever le secret professionnel plusieurs obligations, outre celle de documentation. Elles et ils doivent :

  1. limiter la communication aux renseignements nécessaires à l’objet du signalement;
  2. communiquer des renseignements uniquement à la personne ou à l’autorité chargée de recevoir le signalement;
  3. utiliser un mode de communication permettant d’assurer le plus possible la confidentialité de la communication;
  4. rappeler à leur interlocutrice ou interlocuteur que ces renseignements sont protégés par le secret professionnel.

Il est donc important pour les CPA de savoir ce que la loi les autorise à communiquer malgré le secret professionnel et de bien identifier la personne ou l’autorité compétente pour recevoir ce signalement.

L’encadrement légal du signalement

Certaines lois autorisent et encadrent le signalement d’actes répréhensibles en prévoyant les paramètres et protections applicables. Ces lois indiquent qui doit recevoir les signalements, quelle protection est offerte à la personne qui fait la dénonciation, comment l’information communiquée peut être utilisée et quelles situations autorisent la levée du secret professionnel.

L’autorité compétente pour recevoir un signalement varie selon la situation. Par exemple, les actes répréhensibles commis à l’égard des organismes publics peuvent, en règle générale, être signalés au Protecteur du citoyen du Québec (Loi facilitant la divulgation d’actes répréhensibles à l’égard des organismes publics). Les actes impliquant de la collusion ou de la corruption, quant à eux, doivent plutôt être communiqués au Commissaire à la lutte contre la corruption (Loi concernant la lutte contre la corruption). Lorsque la dénonciation vise une municipalité, c’est la Commission municipale qui la reçoit (Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale). Pour leur part, les manquements à des lois ou à des règlements par des personnes ou entreprises du secteur financier encadrées par l’AMF doivent être signalés à celle-ci (Loi sur l’encadrement du secteur financier).

Le site Web du Protecteur du citoyen contient des informations concernant le signalement ou la divulgation d’actes répréhensibles au sein d’un organisme public et peut, dans certains cas, offrir une aide financière pour la consultation juridique. De plus, chaque ministère et organisme public doit désigner en son sein un ou une responsable de la gestion de l’éthique et de l’intégrité. Cette personne a notamment pour fonction de renseigner les membres du personnel sur la possibilité d’effectuer un signalement et sur la portée de la protection contre les représailles qui leur est offerte.

S’il est saisi par erreur d’un signalement ne relevant pas de sa compétence, dans le cadre du rôle général qui lui est dévolu, le Protecteur du citoyen peut orienter les CPA vers la personne appropriée. En cas de doute sur l’identité de la personne ou de l’autorité compétente pour recevoir une dénonciation, les CPA peuvent donc se tourner vers le Protecteur du citoyen. Ils et elles doivent toutefois s’assurer de ne pas divulguer de renseignements permettant d’identifier leur client ou cliente tant qu’ils et elles n’ont pas l’assurance de s’adresser à la bonne personne.

Quelles protections s’appliquent?

Les lois autorisant le signalement d’actes répréhensibles prévoient des mesures de protection contre les représailles en cas de signalement effectué de bonne foi; par exemple, la Loi sur la protection contre les représailles liées à la divulgation d’actes répréhensibles renforce la protection des lanceurs et lanceuses d’alerte dans le secteur public. Par « représailles », on entend essentiellement des mesures punitives concernant le lien d’emploi, soit le congédiement, la suspension, la rétrogradation ou le déplacement. Le terme peut être défini plus largement, de façon à englober toute autre sanction. Il est toutefois loin d’être acquis que les tribunaux l’interprètent d’une façon qui protège les dénonciateurs ou dénonciatrices contre les poursuites en justice lorsque la loi ne prévoit pas spécifiquement cette protection.

Pour cette raison, il importe d’informer votre assureur et de consulter un avocat ou une avocate ou de vous renseigner auprès du syndic de l’Ordre avant de signaler un acte répréhensible.

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